jeudi 23 octobre 2008

Monsieur MEYER au CISIC

Monsieur MEYER est un homme comme les autres! Je l'avais vu grand, et il est de taille raisonnable. Je l'ai rencontré lors de ma première consultation à l'hôpital Saint-Antoine et il portait l'inévitable blouse blanche. : à l'Assemblée Générale du CISIC, il était en confortable et décontracté costume de velours côtelé châtaigne. Il est venu comme on vient voir des amis.

Son discours a été un moment intense : foin de propos scientifiques, de chiffres ou de statistiques, mais une réflexion philosophique sur la vie, les hommes, le progrès, le passé et le futur à construire... Dans l'urgence de ne rien rater, j'ai oublié les mots, les idées précises, les enchaînements, mais il me reste l'humanisme de cet homme au regard si lumineux, aux sourires sereins. Charisme tranquille. Monsieur MEYER se ressource dans le désert, au plus proche du berceau de l'humanité.

Et il ne faudrait pas que j'oublie le Docteur FUGAIN. Quand je l'ai vue à la réunion du CISIC, je ne l'ai pas tout de suite reconnue. Je savais que je l'avais rencontrée, qu'elle m'avait été sympathique. Je me souvenais de sa chevelure filée d'argent, de son regard vif, et puis c'est revenu, comme un flash. Elle, assise à son bureau, le dos face à la fenêtre, et moi, gênée par la lumière derrière elle, mais subjuguée par cette personnalité empathique, forte et cette voix puissante, claire, et grave, comme j'aime. Encore une fois, j'ai entendu et compris alors que je n'entends plus que des lambeaux de sons et comprends désormais si peu que parfois je préfère même me passer de mes prothèses.
C'est le Docteur FUGAIN qui sera aux commandes de ma rééducation et des réglages de l'implant, et je crois avoir compris cette stratégie du bureau dos à la lumière, parce que cela me paraît une erreur fondamentale quant il s'agit de recevoir des sourds ou malentendants pratiquant nécessairement, consciemment ou non, la lecture labiale. Je pense que cet "aveuglement" est pensé justement pour la rééducation. Il faudra que j'en parle lorsque je serai, nouvelle implantée, en visite de rééducation.

Si je ne me trompe pas, la rééducation va consister non seulement à apprivoiser et nourrir de découvertes sonores à identifier mon bébé oreille, mais aussi à m'apprendre à me passer des bouées que je me suis crées pour survivre dans le monde des entendants. Il va falloir que je me jette à l'eau et que j'arrive à faire confiance à ce que je vais entendre et comprendre tout en me libérant de l'angoisse d'avoir mal interprété, décodé, compris. Ne plus être obsédée par la peur de rater une information, laisser l'oreille bionique faire son travail en simultané, entendre/comprendre sans la bloquer en gaspillant de l'énergie à contrôler si l'environnement cautionne le message, reléguer le labial aux rangs annexes, lâcher prise, laisser faire tout en exerçant, prendre des risques.

Que tout cela est passionnant!

Je sens que mon cerveau va être soumis à rudes épreuves, mais il fera face, je le sais. Quand il décrypte toutes les informations qui s'offrent à lui pour assurer sa pérennité et ma survie dans le monde des sons communicants et signifiants, je sens ses connexions se faire, ses réseaux s'installer, ses tiroirs s'ouvrir. J'ai parfois l'impression d'avoir dans la tête une gigantesque, monstrueuse banque de données prêtes à se conjuguer, s'assembler pour fabriquer du sens et me permettre d'être, d'exister et de vivre parmi mes pairs humains. Et ce qui ne cesse de me surprendre c'est sa plasticité : j'engrange, je stocke, je thésaurise. Je digère tout, le nécessaire, le superflu. Il n'y a rien à jeter et je ne jette rien. Je suis en boulimie permanente, j'absorbe, je me goinfre sans suffocation. Et je cultive les stratégies, je marque, je tisse, je m'invente des techniques mnémoniques. Je me sens puits sans fond.

Et je suis en permanence contrainte à la performance, prisonnière de ces défis permanents.

Dans la vie quotidienne, cela se traduit par les sollicitations les plus diverses. Famille, ami(e)s, collègues : quand on a un problème, quand on se trouve face à une difficulté, c'est moi que l'on sollicite, parce que moi, j'aurai toujours une solution.

Avec moi, rien n'est impossible! et c'est vrai qu'il y a toujours une solution même si elle emprunte parfois les chemins de traverse. Il faut faire preuve de créativité, réinventer, investir le connu pour fabriquer du nouveau, de l'inédit.

De tels challenges, ça aide forcément à sur-vivre, dans le sens vivre plus. En tous cas, même si c'est parfois fatiguant, c'est toujours captivant et vivifiant.

Je suis vivant, très vivante.

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