dimanche 21 septembre 2008

concerts et vertiges en Turquie

Un mini bus nous attendait pour nous "transborder" au village de vacances : d'un seul coup, après le passage très soupçonneux des douanes, nous nous retrouvions dans le monde civilisé...mais pas pour très longtemps! En fait, arrivés au club, surprise : aucun logement n'était prévu pour nous! Nous étions tout de même nombreux et avec quelques exigences. Le guitariste était venu avec sa copine. En célibataires, il y avait le bassiste, le guitariste, le percussionniste et le saxophoniste. Et pour finir, le dernier couple : mon compagnon (aux claviers) et moi.

Pendant une semaine, nous avons été baladés d'une chambre à une autre pour finalement nous installer (presque) définitivement dans un hôtel en construction. Nous étions les seuls occupants, et avons du, là aussi, déménager plusieurs fois, en fonction des besoins du chantier.

L'avantage, c'est que nous ne logions pas trop près de nos "fans". C'est très fatigant à vivre la célébrité, même si elle ne dépasse pas le périmètre d'un club de vacances.
C'est là que j'ai compris que jamais je ne pourrais devenir une vraie vedette parce que je ne sais pas mentir. On venait voir la chanteuse, pas moi. Quand on s'adressait à moi, c'était avec une déférence et une admiration qui me paraissaient complètement décalées. Sur scène, j'ai toujours essayé d'être moi, même si mon auteur-compositeur de compagnon me poussait à jouer les vamps et les séductrices provocantes. Il y avait trop de distance entre ce que j'étais (et suis encore, je pense) et ce que les gens imaginaient de moi, à travers ce que je leur donnais en spectacle. C'est à cette période que j'ai commencé à prendre en aversion le monde du show-business, ses manipulations et ses mensonges. C'est ce sentiment qui, sans doute, plus tard, m'a permis de quitter ce milieu sans frustrations majeures, sans regrets non plus, avec le sentiment d'avoir eu le privilège d'une expérience rare.

Il me reste des souvenirs impérissables de ce séjour en Turquie, qui n'ont rien à voir avec la musique.
L'autocar du village-club était si asthmatique que lorsque nous sommes partis en excursion vers les sources d'eau chaude, il a fallu, à chaque côte un peu ardue, que tous les passagers descendent et la gravisse à pied, en encourageant le moteur essoufflé qui tournait du "même pas".
La piscine enfin construite a dû être cassée dès sa mise en eau : aucun système d'évacuation n'avait été installé! elle a été inaugurée la semaine de notre départ, soit 7 semaines après notre arrivée.
Nous avons passé plus de 4 heures en plein soleil sur un petit bateau en plein port, empêché de naviguer par les filins d' d'amarrage oubliés et pris dans l'hélice à 2 reprises. Il a fallu qu'un plongeur aille détricoter tout ça en apnée sans que nous puissions regagner le quai.
Dans les cabinets de toilettes de l'hôtel où nous étions hébergés, tout était de travers : l'évacuation de la douche se trouvait soit à l'opposé de la pièce, soit sur une remontée du sol. Les lavabos défiaient les lois de l'équilibre, et quant aux toilettes elles-même, chaque exercice relevait de la gageure. Le tout donnait l'impression d'être dans une cabine de navire en pleine tempête, que dis-je, même, en train de sombrer!
Quand le feu a pris dans une des cases du club, c'est une chaîne humaine qui s'est mise en place pour éteindre l'incendie. C'était l'heure de l'apéro-hourra-pour-les-nouveaux-arrivés, et tout le monde s'est retrouvé à passer à son voisin des sacs-plastique au logo du club, rempli d'eau de mer récupérée dans la baie, juste devant le grand buffet de bienvenue.

Nous avons tout de même passé un bon séjour, merci. Les anecdotes, ce sont les petites histoires que l'on raconte au retour...

Fin juillet, il s'est mis à faire très très chaud. Impossible de savoir à combien le thermomètre est monté, mais au même moment, en Grèce, la situation sanitaire était très préoccupante et de nombreuses personnes devaient décéder.

Et c'est à ce moment que j'ai eu une première crise de vertiges.

Je crois que ça a du durer 5 jours et 5 nuits sans s'arrêter. 5 jours et 5 nuits à tanguer, à sombrer, à chercher des appuis, à me noyer, à ne trouver un peu de répit que grâce à quelque pharmacopée assommante. Le médecin turc avec lequel il était impossible de communiquer autrement que par mimes et gestes, a commencé par me faire des piqûres intramusculaires avec des trocarts sans doute destinés à du bétail. Je ne sais même pas quel produit m'a été injecté. Sans succès. Au bout de 3 jours, il nous a fait comprendre que c'était du sérieux et qu'il fallait recourir aux intraveineuses. Là, j'ai dit non! Curieux quand même, j'ai accepté son traitement de cheval sans broncher, mais que l'on veuille toucher à mon sang, et je ne suis plus d'accord!
Au bout de 5 jours, et en serrant les dents, j'ai quand même fini par rejoindre le groupe et j'ai un souvenir plutôt nauséeux et instable de la prestation scénique qui a suivi.

Finalement, nous nous sommes offert un entracte d'une petite semaine pour, d'une part, aller voir l'ex-médecin de l'ambassade française, qui parlait français, et d'autre part, visiter Istanbul la Magnifique.

Le médecin s'est montré très attentif mais m'a déroutée par ses questions : était-ce moi qui semblait tourner, ou bien les objets qui tournaient autour de moi... J'avoue avoir été prise de court... Mais l'homme de sciences a tranché sans moi pour je ne sais plus quelle option : de toutes façons, l'une s' éliminait facilement du fait de mon âge, a-t-il annoncé sentencieusement. Ça ne pouvait pas être les oreilles, j'étais trop jeune! Je souffrais juste de déshydratation, c'était sûr. Et c'est comme ça que je me suis retrouvée avec une prescription des plus curieuses, qui, à défaut d'être curative, m'a tout de même permis de terminer mon séjour sans autre souci que celui de trouver du lait caillé à consommer en quantité, en éliminant tout geste invasif ou traumatisant.

Istanbul ne m'a pas conquise. J'y ai surtout entrevu des bas-fonds glauques, des ruelles dangereuses, des hôtels sordides et sombres. Sainte-Sophie ne m'a pas séduite mais j'ai tout de même eu un coup de cœur pour le palais de Topkapi, son harem et ses gigantesques cuisines aux ustensiles de cuivre démesurés. J'ai eu beaucoup de mal à me faire aux draps crasseux de l'hôtel recommandé par un fameux guide pour sacs-à-dos-désargentés (ce qu'étaient mes musiciens qui n'émargeaient pas, comme moi, au budget de l' Éducation Nationale), et à l'autoroute des punaises agiles qui m'ont réveillées en se permettant non seulement de poser leurs innombrables pattes tricoteuses sur mon visage, mais aussi en mordant allégrément ma peau. Le lendemain matin, c'est en larges lunettes noires que j'ai dû jouer les starlettes en camouflant rougeurs et boursouflures. Beurk.

De retour en France, une seconde crise de vertiges m'attendait, et celle-là beaucoup plus longue que la première.