samedi 15 novembre 2008

Tu seras institutrice, ma fille!

Non, je ne voulais pas être institutrice! J'en avais bien rêvé quand j'étais petite. J'avais joué à la maîtresse, comme la plupart des petites filles. Mais non, je n'en avais pas envie. surtout qu'il fallait, à l'époque, passer des concours au niveau de la 3ème, et s'exiler ensuite dans les Écoles Normales. Le premier, j'ai été contrainte de la passer à Paris. Recalée. L'année suivante, je suis allée à Amiens, parce que les places étaient plus nombreuses et qu'une tante habitait à quelques 20 kilomètres. Recalée encore : pour réussir un concours, il faut d'abord le vouloir et je ne voulais pas m'orienter dans cette voie.
Le seul souvenir qui me reste de ce second concours raté, c'est que, pour la première fois, j'ai mangé un pamplemousse en entrée, alors que je le saupoudrais de sucre au dessert.
Quand j'ai été reçue au bac, ma mère est revenue à la charge : derrière moi, et chacun à un an d'intervalle, il y avait 2 frères et une sœur dont il fallait aussi financer le temps scolaire. Les filles se contenteraient au mieux du bac pour que les efforts financiers permettent aux garçons d'accéder aux études supérieures.
Être instit', c'était réussir à concilier travail et vie de famille, donc c'était l'orientation idéale et je n'avais pas à discuter.
J'ai donc postulé pour un poste de suppléante avec un coup de pouce de ma marraine la fée qui connaissait l'Inspectrice Départementale. Donc me voilà convoquée pour un petit examen de sélection avec d'autres postulantes. Ma mère est bien entendue ravie. Moi moins, mais finalement, pourquoi pas. L'ambiance à la maison était plutôt pesante. Ma majorité (à 21 ans à l'époque) me parait encore bien loin. C'était peut-être une façon comme une autre de prendre un peu d'indépendance. Et puis mes parents ne voulaient pas entendre parler de fac ni d'école d'art, malgré toutes les recommandations de mes profs de terminales.

Je passe donc une épreuve dont je ne me souviens plus de l'intitulé exact. Mais cela devait ressembler à "comment envisagez-vous votre métier et votre rôle d'enseignante auprès de jeunes élèves?"

J'avais 18 ans. Nous étions en 1970 et je venais d'avoir mon bac. Je n'avais jamais été autorisée à aller à un "boum". Ma mère disait que j'avais la beauté du diable et contrôlait tous mes faits et gestes de crainte d'un scandale, alors que j'étais d'une naïveté confondante. Bref, je ne savais rien de la vie en dehors de ce que ma mère m'avait donné à voir et à entendre.

Je suis sortie de la salle plutôt contente de moi. J'étais même persuadée d'avoir écrit un texte novateur. J'avais aligné toutes les grandes idées péremptoires de ma mère sur l'éducation.

Las, les jours, les semaines se sont succédés, et on ne me convoquait toujours pas pour me donner un poste.

Je suis allée voir ma marraine qui elle-même a contacté son amie.
Et la sentence est tombée avec la honte de ma vie (il y en avait eu d'autres avant : mon enfance a été un long fleuve pas tranquille du tout).
Jamais on ne me confierait un poste en contact avec des enfants : j'avais écrit des horreurs, et on se passait parfaitement de gens comme moi.
Plus que cette éviction sans appel, c'est la déception dans le regard de ma marraine qui m'a fait le plus mal.

Et quelles étaient donc ces merveilles que j'avais écrites et qui me valaient les foudres administratives?
Je n'ai plus honte de ces mots qui ne m'ont , en fait, jamais appartenu. Je ne m'étais jamais interrogée sur l'enfance ou l'enseignement. J'en étais encore au stade de l'imagerie de mes jeux de petite fille, et surtout, j'étais complètement imprégnée par les discours maternels, tout simplement parce que je n'en avais jamais eu d'autres à entendre.

Cette année, et ces jours-ci plus précisément, nous fêtons le centenaire de Françoise DOLTO. Et j'ai été surprise de constater que finalement, ma mère était emblématique de cette époque. L'ennui, c'est qu'elle est restée coincée à ce stade et qu'elle est toujours persuadée que "l'enfant n'est qu'un tube digestif à gaver et à dresser". C'est en partie grâce à DOLTO que l'enfant et le bébé ont été reconnus comme des personnes. Mais ma mère avait horreur de l'émission "lorsque l'enfant paraît" autant qu'elle vomissait ces mères de famille qui se retrouvaient pour boire le café alors qu'il y avait tant à faire dans une maison.
J'ai disserté avec ces ignobles idées et, heureusement, il s'est trouvé que piston ou pas, on lisait les copies.

Et c'est comme ça que je ne suis pas devenue instit' à 18 ans!

Quand j'ai appris, de nombreuses années plus tard que j'étais sourde à 50%, que ma surdité s'était développée doucement, sans alerte, sans doute depuis ma puberté, voire mon enfance, je me suis demandée si, en fait, cette surdité n'avait pas été un moyen de survivre parmi ces idées déstructurantes.
Est-ce que mon inconscient n'avait pas torturé le classique "mieux vaut entendre ça que d'être sourd", en " mieux vaut être sourd que d'entendre ça"...
Les spécialistes qui se sont penchés sur ma pathologie ont été formels : c'est une otospongiose, ça se développe doucement dès la puberté, et c'est sans doute d'origine génétique. Dommage, si ça avait été un blocage, une bonne thérapie m'aurait peut-être rendu mes oreilles!

Alors, quid de mon avenir d'enseignante ?

J'ai réussi à braver l'interdit familial et me suis inscrite en Philo à Nanterre puisqu'on ne voulait pas entendre parler d'école d'art. Avec un 16 au bac en philo, c'était la branche qui me tendait les bras (et un 2 en maths, tout de même!).
Les pressions familiales diverses, les reproches quotidiens, les humiliations, ne m'ont pas permis d'aller au delà du premier semestre. Mes profs ont été désolés. En février, je commençais à gagner un peu de sous en faisant des garderies de cantine, d'études et du mercredi. Vraiment plus de temps pour la fac.
Pendant les vacances, j'ai travaillé pour LOCATEL, une entreprise de location de téléviseurs, et une première confrontation avec le monde du travail édifiante et formatrice.
En septembre, coup de chance, j'ai obtenu un poste de monitrice-éducatrice dans un grand internat à Vitry, qui m'a permis de respirer en dehors de la famille et au bout d'un an de prendre ma liberté sans avoir besoin de claquer la porte. Il était temps!
J'ai travaillé 7 années dans cet établissement qui accueillait des "cas sociaux", d'abord au foyer des "primaires" et ensuite au foyer des jeunes filles.
C'est une école de la vie très formatrice, même si j'ai choisi au bout de 7 ans de vivre à un autre rythme en intégrant l'Education Nationale et je suis persuadée que ces années ont été fondamentales dans ma façon d'appréhender mon métier d'enseignante, parce que j'ai toujours considéré l'élève comme un enfant dans sa globalité, avec des vécus et des émotions débordant de la classe.
Pendant ces années-là, mon emploi du temps m'a permis de reprendre des études à la Sorbonne jusqu'au niveau de la maîtrise de Sociologie. Je me suis spécialisée en Sciences de l'Education et en Arts Visuels.
Et puis, les statuts de moniteur-éducateur et de maître d'internat ont changé et j'ai préféré demander un poste de suppléante et quitter cette vie déséquilibrée qui vous fait travailler quand les autres ont terminé.
Après un an de remplacements divers et variés, auréolée du titre glorieux de "spécialiste de la lecture" par mon Inspecteur, j'ai réussi le concours d'entrée à l'IUFM sans aucun soucis.

Si l'on pense que l'otospongiose était déjà à l'œuvre depuis mon adolescence, mon passage en internat a été le terrain rêvé pour développer l'empathie phénoménale qui m'a permis ensuite d'animer des classes heureuses et avides de connaissances.

Tout ça ressemble fort à l'histoire du vilain petit canard, et comme je ne me sens pas cygne dédaigneux, je me vois plutôt cane dandinante et bavarde menant à la mare toute une couvée de canetons joueurs, espiègles et curieux.

Il y a 18 ans, ma mère m'a dit, en posant la main sur mon ventre tendu : " tu diras ce que tu voudras, je sais bien que tu n'es pas d'accord, mais quand même, un fœtus, c'est comme un cancer qui vous bouffe de l'intérieur". Le bébé, ma première-née, ma Clémentine, a donné un si vigoureux coup de pied que ma mère a retiré sa main aussitôt. Et ne l'a plus jamais reposée.

Pause exotique : rencontre avec le cyclone


Martinique.Eté 2007. La forêt de mahoganis sur la route de Trinité.

S' il est un endroit magique et mystérieux en Martinique, c' est bien celui-là : en 12 ans, je totalise 12 mois de séjours là-bas et je reste toujours fascinée par cette forêt étrange, profonde, sombre et impénétrable. La route ne permet pas le stationnement, alors, au gré des ralentissements de circulation coutumiers, l' oeil scrute, évalue, toujours aussi incrédule : le sol semble être une mangrove spongieuse, un marécage délétère, la végétation est si dense que la lumière est rare. Il y a une fraîcheur réelle et bienvenue qui se dégage de cette oasis végétale plantée au milieu de la touffeur tropicale.
Aucun Martiniquais ne méconnaît ce lieu magique, de même qu' aucun de ceux qui, un jour, sont passés par là.
Cette année, j' étais là, dans la campagne de Rivière Salée.
Nous nous sommes préparés pour Dean sans angoisse particulière : la maison de location semblait pouvoir tenir ses promesses de résistance, et elle ne l' a pas démenti. Depuis début juillet, je remplissais chaque bouteille d' eau consommée avec de l' eau du robinet : un joli stock qui fait sourire mari et enfants à chaque fois et gloser sur mes éternelles angoisses : rectification, les dilettantes! , pour moi, c' est simplement du bon sens et de la prévoyance! Cette année, les bouteilles ont dépanné des amis confrontés aux coupures d' eau! Nous, nous n' en avons pas eu besoin, nous avons fait partie des rares privilégiés à ne déplorer qu' une demi-journée de coupure. Luxe suprême et très apprécié après émotions, insomnie et rafraîchissement sérieux de la température, nous avons même pu nous doucher à l' eau chaude, la maison disposant d' un petit panneau solaire.
Nous nous sommes calfeutrés dans la maison après avoir éliminé et rangé tout ce qui était susceptible de s' envoler. Décrochés, les 2 hamacs sur la terrasse. Dépendu, l' abreuvoir des colibris. Empilées et rentrées, les chaises en plastique. Place nette aussi sur l'évier-lavoir : vaisselle, égouttoir, éponges, produits ménagers, tout a regagné l' intérieur. Nous avons cueilli les avocats les plus gros et nous nous sommes repliés devant la TV. Pizza réchauffée et expédiée. Ensuite, tout le monde au lit.
Ce sont les vibrations qui m' ont tirée du sommeil : je suis malentendante et quand j' ôte mes appareils auditifs, je suis complètement sourde. C'est mon corps tout entier qui ressentait la tempête. Il faisait nuit, une nuit de ciel d'ouragan, une nuit de jour gris, très gris. Et à travers les persiennes, j' ai vu le vent! Les arbres fantomatiques de la haie dansaient une sarabande infernale, sans rythme, dans l'anarchie la plus complète, avec des ponctuations de projections diverses et mystérieuses. Visibilité opaque réduite à 3 mètres. Je me suis recouchée, il n' y avait rien d'autre à faire : la maison tenait bon. Mon mari veillait, pour le coup inquiet et guettant un éventuel arrachement du toit. Notre fille avait abandonné sa minuscule chambrette sous le toit pour cause de pluie et avait rejoint son frère qui n' avait pas ouvert l'oeil.
Impossible cependant de dormir, voire simplement de me reposer : il a fallu que je mette mes prothèses pour entendre vraiment. La tempête était dans mon ventre, ma poitrine, mes jambes, mes bras. Ma tête n'en pouvait plus de ce maëlstrom de sensations envahissantes et inconnues. Et j'ai entendu le vent. Ses grondements, une respiration puis un rugissement, un emballement de ronflements qui enflent, gonflent, explosent. Et pour accompagner cette symphonie foutraque, les craquements impressionnants du bois qui se fend, le cri sec du tronc qui craque et le hurlement mat du manguier qui s' abat, d' un coup, toutes racines dehors.
Cela a duré longtemps, sans répit et sans pause.
Les enfants ont bien dormi!
Lorsque nous avons pu sortir, c'est peu de dire que le spectacle qui nous entourait était apocalyptique. De toutes les essences plantées avec amour par le propriétaire de la maison ne restaient vraiment debout que les orangers et le citronnier. Les buissons et massifs de fleurs étaient couchés, comme peignés par une main géante, pétales blancs, roses, jaunes, rouges comme une neige étrange autour d'eux. Le quenettier gisait, tronc en l' air, cassé net à ras le sol. Le manguier, déraciné, exhibait l' incongruité indécente de ses racines terreuses. L' arbre à pain, décapité. Le carambolier, déplumé. Et le goyavier, tout jeune, qui portait ses premiers fruits que mon mari surveillait, tâtait et humait avec gourmandise...jeté par terre, sans ménagement. Evidemment, les quelques bananiers de tout jardin créole n' avaient pas résisté non plus. Les cocotiers faisaient triste mine, les palmes en berne, froissées, cassées, brisées.
Et d' un seul coup, après la sidération première, j' ai été submergée par une immense et profonde tristesse.
Tout autour, c' était le silence, enfin. Un silence d' abandon à l'ennemi, d' armes rendues, de vaincus sans rédition.
La maison, une maison traditionnelle, blanche, simple et sans prétention mais coquette tout de même et bien entretenue, la maison était verte. Verte. Couverte d' un hachis de feuilles. Un vert franc, profond et brillant.
Le lendemain, la chaleur du soleil et quelques coups de balai sec ont suffi à décoller ce masque végétal. Sans laisser de trace.
Il a fallu attendre 2 jours que la route soit dégagée par les riverains armés de coutelas, machettes et autres tronçonneuses , pour pouvoir rejoindre la civilisation : plus d' électricité, pas de liaison téléphonique: et surtout, alentour, une désolation totale. Là où moutonnaient les verts des grands arbres se dressent désormais des troncs décharnés, aux faîtes cassés, tous à la même hauteur. On aperçoit le contour des collines comme autant de crânes rasés et ce qui reste debout est si maigre, si noir, qu'on dirait une forêt brûlée par un gigantesque incendie.
Il y avait une dizaine de colibris - avant - autour de l' abreuvoir. Après, j' en ai compté plus de 30, avec quelques abeilles, et même des sucriers qui n' ont pas pour habitude de se satisfaire du nectar des fleurs. Le soir, c' était au tour des papillons de nuit, avec leurs ailes gris velouté et leur corps rouge et trapu.
Et nous sommes partis, enfin, prendre des nouvelles de la famille...
La route habituelle était si encombrée que nous avons décidé de faire un grand détour par le sud : Sainte-Luce, Le Marin, direction Le Robert et Trinité.
J' ai pris beaucoup de photos. C' était tellement énorme, ces arbres gigantesques en travers de la route, les champs de bananiers couchés à perte de vue, et les maisons, effondrées, décapitées, ouvertes comme des boites de conserve. Et partout, des bras armés qui, des coutelas traditionnels, et qui,pour les mieux outillés ,de tronçonneuses.
J' ai pris beaucoup de photos.
Mais seulement les dévastations de la nature.
Je n' ai pas voulu jouer les touristes voyeuses : il y avait suffisamment d' images sensationnelles dans les journaux pour que je n' ajoute pas au désarroi de ceux qui ont beaucoup, voire tout perdu.
15 jours après le passage de Dean, les lumières se sont enfin allumées, et le réfrigérateur-congélateur a pu reprendre ses fonctions, de même que la machine à laver. Surtout, j' ai pu, enfin, lire, le soir, avant de dormir.
Les cousines de mon mari ont profité de cette période bougies ( comme les stocks ont été dévalisé, nous nous sommes servi de bougies votives ).pour raconter quelques anecdotes sur leur enfance somme toute pas si lointaine, évoquer les devoirs à la flamme ténue, dansante, agaçante et fatigante et surtout les repas, toute la famille autour de la lampe à pétrole, quand soudain, la dent sent une résistance et croque la carapace d' un de ces petits hannetons attirés par les lumières dès la nuit tombée.
Mon texte est long, les mots et les émotions m' ont entraînée, mais je n' oublie pas ma forêt de mahoganis. Cette photo que je vous envoie, c' est elle. Ce qu' il en reste.
Et c' est bien difficile à croire...

J' ai vu, en Martinique, les hommes, les femmes et les enfants retrousser leurs manches pour repousser le malheur et la désespérance, j' ai vu, aussi, les manguiers se couvrir du rouge des feuilles nouvelles et de petits bourgeons éclater sur des hampes brisées. Les fleurs ont redressé les calices et les colibris commencent à retrouver le nectar qui les nourrit.
Sur le chemin de l'aéroport, comme autant de niques au ciel, quelques troncs nus de palmiers se sont déjà coiffés d' un premier plumet nouveau, d' un vert si tendre, là-haut, si haut.

Le voyage de retour a été éprouvant : près de 6 heures de très fortes turbulences sans interruption. La Martinique s'apprêtait à une nouvelle onde tropicale...

jeudi 13 novembre 2008

file d'attente 1

Quand j'arrive devant les caisses de mon hyper-marché habituel, j'ai le choix : je peux utiliser les caisses spéciales dédiées aux heureux possesseurs de la carte d'achat du magasin, ou bien préférer l'option caisse spéciale "handicapés et/ou femme enceinte", états que certains ont parfois du mal à dissocier, d'ailleurs.

C'est mon degré de fatigue autant que l'attente en perspective qui motivent la direction de mon caddy. Il peut arriver aussi que je ne me sente pas d'affronter les regards culpabilisants, voire les réflexions désobligeantes : et là, mon choix se fait tout seul, j'attends!

Ce soir-là, j'étais particulièrement fatiguée : la journée avait été longue et n'était pas encore terminée. Il y avait beaucoup d'attente aux caisses. Sans hésiter, je me suis dirigée vers la caisse spéciale, réservée également aux personnes pouvant justifier 10 articles maximum, sous condition de laisser passer les personnes prioritaires.

Question : faut-il considérer les personnes faisant moins de 10 achats dans une grande surface comme des handicapés ?

Il y avait au moins 6 personnes avec des paniers à la main. Je m'approche de la première, et, aimablement, je lui demande si elle est prioritaire. Là, première fausse note, on me répond, l'air pincé : "non, et alors ?"
"Alors, désolée, moi oui" ai-je déclaré en exhibant ma carte d'invalidité orange.
Un geste rageur a repoussé les quelques objets posés sur le tapis pour me laisser la place.
J'ai commencé à vider mon caddie en forçant l'exténuation : on se sent le plus souvent coupable quand on utilise sa carte et obligé consciemment ou non de renforcer l'idée que handicap et bonne santé sont incompatibles. J'étais fatiguée certes, mais pas exténuée. Je suis handicapée mais je ne suis pas malade. La surdité a des répercussions non négligeables sur mes capacités de récupération, parce que je dois faire preuve d'une concentration maximum permanente : mon corps, mon cerveau doivent compenser la perte sensorielle, et c'est fatigant. Je suis souvent "flottante" (vertiges légers) mais je me sens en bonne santé.

Donc, j'ai déjà vidé mon caddy à demi et je sens des agitations dans la file d'attente. Ces personnes qui ne se seraient jamais adressé la parole ont fini par monter une vraie coalition et je vois une femme sortir du groupe, venir vers moi et me lancer peu amène : "et la dame, là, elle est enceinte, elle, et vous la laissez pas passer!" Chacun a retrouvé sa place dans la file, et je me rends compte, qu'effectivement, en 4ème position, une jeune femme est manifestement enceinte...et très gênée de l'attention qu'on lui porte soudain, vu que personne n'avait songé à lui céder sa place auparavant.

Là, c'est délicat, il faut trouver la pirouette pour éviter que l'on finisse par s'insulter et en même temps, il ne s'agit pas de battre en retraite et de remballer sa carte, sa dignité et ses droits.

Évidemment tous les regards sont tournés vers moi, attendant ma chute, sauf celui de la jeune femme qui fixe plutôt ses chaussures en se demandant sans doute ce qu'elle fait là.

"C'est charitable à vous de la laisser passer, merci pour elle, venez donc vous installer derrière moi".
Elle s'est déplacée, et certains se sont aperçus alors qu'au lieu de reculer d'un cran avec moi, maintenant, ils reculaient de deux avec elle.
Ils étaient très énervés.

La caissière, un peu débordée, a fait signe au vigile qui s'est posté tout près. La tension a légèrement baissé.

C'est alors que l'improbable, l'inattendu s'est produit, ou plutôt est arrivé.
Un Zébulon aux rares cheveux blancs s'est approché en sautillant des clients de la file. Il avait à la main une carte bleu ciel et il l'a tendue sous les yeux de chacun avec un drôle de mouvement du bras, tout en émettant un laconique "han!". Arrivé devant moi, j'ai soudain compris, et j'ai extirpé ma carte que je lui ai mis sous le nez avec la même onomatopée "han!".
Et là, il a retrouvé expression humaine : "oh! excusez-moi Madame, je ne savais pas". J'ai compris alors que la carte prioritaire orange était plus puissante dans l'ordre des priorités que la carte bleu ciel. Je ne sais pas comment se sont arrangées les personnes de la file : je crois que certaines se sont dirigées vers d'autres caisses, par dépit. je ne sais pas ce qui s'est négocié entre ce monsieur et la jeune femme enceinte : à chacun de faire valoir ses droits, CARREFOUR n'est pas la Forêt de Sherwood, et je ne suis pas Robin des Bois!

Réponse à la question : j'ai rencontré beaucoup de handicapés du coeur dans les files d'attente aux caisses des super-marché, et ils n'ont pas de carte!

C'est très important pour moi d'utiliser ma carte, plus important encore que d'aller plus vite dans la corvée du passage en caisse : elle me désigne autre, différente, handicapée aux yeux qui me scrutent avec plus souvent d'aigreur que de compassion. J'ai presque l'impression de faire un acte de résistance.

En France, le handicap se camoufle et se vit presque dans la honte. Je crois avoir déjà expliqué que je luttais contre le réflexe de dire "excusez-moi, je suis sourde, je n'ai pas entendu". je n'ai pas à m'excuser d'être sourde, or c'est ce que la syntaxe induit inconsciemment. Il vaut mieux dire "Pouvez-vous répéter, s'il vous plait, je n'ai pas bien compris, je suis sourde (ou mal-entendante)". Ça n'a l'air de rien, mais ça change le niveau de la relation. Avec la 2ème formule, les interlocuteurs sont sur le même plan et communiquent avec civilité, alors que dans la 1ère, on sous-tend une hiérarchie de compétence. Cesser de s'excuser, de dire "pardon", c'est affirmer son identité entière. Le handicapé n'est pas une personne à laquelle il manque un morceau, c'est une personne comme les autres.

Il y a de nombreuses années, je suis allée en vacances en Espagne, près d'Alicante, avec un ami dont le frère était trisomique. Il avait 21 ans à l'époque et des activités qui auraient été à peine imaginables en France. Par exemple, le soir, il allait souvent en discothèque seul et il y avait toujours quelqu'un pour lui offrir une boisson sans alcool, et même le raccompagner jusque chez ses parents. Dans la journée, il fréquentait aussi un club de musculation. Il était respecté et protégé par tous et chacun.
Quand nous sommes allés à la plage, qui était des plus modestes, j'ai été très surprise : il y avait au moins 6 enfants et adolescents trisomiques avec leurs familles, et il ne s'agissait pas d'un club spécialisé ni d'une pathologie locale. Simplement, ces enfants et ces adolescents n'étaient pas confinés ou cachés. Ils faisaient partie de la société et venaient prendre du bon temps à la mer. C'est tout.
Une belle leçon d'humanité pour qui sait la déchiffrer seulement, après que j'ai entendu des voisins de parasol lancer l'air entendu : "y a vraiment beaucoup d' handicapés chez les Espagnols, on dirait pas pourtant quand on les voit en France". Évidemment, je n'ai pas résisté ici à faire preuve de pédagogie et à expliquer ce qu'il fallait comprendre. Le racisme ordinaire, c'est l'ignorance, et je ne sais pas me taire quand j'entends proférer des horreurs. A l'époque, je les entendais encore, maintenant, je les ressens plutôt. Mais le résultat est le même : je m'en mêle!

mercredi 12 novembre 2008

Pas le 12, le 18!

Cet après-midi, j'aurais dû aller à Saint-Antoine faire enlever les fils et activer l'implant. C'est reporté au 18! et à Beaujon!
Zut et crotte et flûte!
Zut parce que le 18, c'est presque une semaine de plus,
crotte, parce que j'ai une tête absolument épouvantable et des cheveux qui attendent un shampooing pour me redonner un aspect plus civilisé,
flûte, parce que j'adore le quartier de Saint-Antoine et que c'était une bonne occasion pour repartir à la conquête de Paris, après toutes ces années de maternage qui m'ont tenue éloignée de la capitale, si proche et néanmoins à des années-lumière de mes préoccupations quotidiennes.
Je n'ai donné aucun coup de pied dans le mur, je n'ai pas boxé l'écran de l'ordi quand le mail m'a avertie, je ne me suis pas dit pourquoi-moi-il-n-y-a-q-à-moi-que-ces-choses-là-arrivent.je n'ai pas "crisé". Ça aurait servi à quoi?
J'ai même pas pleuré!
Je patiente et puis c'est tout!
Et j'apprécie le retour aux jours sans antalgiques : Doliprane, c'est fini!
Et je savoure la fuite des acouphènes qui ne s'invitent plus intempestivement dans mon intimité. Il y a bien, de temps en temps, quelques petits souffles, quelques très légers sifflements, mais si lointains, si fugaces qu'ils ne semblent naître que pour mieux disparaître.

Je ne me rends même pas compte que je suis sourde complètement, que je n'entends plus rien du tout. J'ai des illusions de sons : en ce moment, je tape sur le clavier.
Je pense que cela doit faire du bruit. Je perçois seulement les chocs physiques des marteaux de chaque touches appuyant sur les connecteurs lorsque lorsque mes doigts les enfoncent, et pourtant, j'ai l'illusion de les entendre.
L'oreille droite, qui bénéficie encore de l'aide de sa prothèse numérique, m'est si peu utile que j'oublie parfois de l'équiper - la perte auditive a encore dû gagner du terrain - et c'est quand je vois mon fils se placer devant moi et articuler avec application que je me rends compte que je n'ai pas mis mon appareil.

Hier, ma fille m'a montré un mini (très mini) court-métrage qu'elle a réalisé pour la fac. Ici, je peux le dire : elle est très forte! Je ne suis pas avare de compliments mais j'évite quand même les hagiographies avec elle : je crois qu'il faut savoir rester humble et critique pour progresser. L'orgueil fige la vraie créativité.
Donc, elle me montre ses images, qui la mettent en scène et qu'elle a tournées toute seule, une partie dehors, une autre dans notre appartement, une mini caméra dans la main droite. L'histoire se construit peu à peu et devient signifiante pour moi dans les derniers plans, quand j'ai réussi à éliminer toutes les interprétations possibles : elle raconte un des nombreux malaises dont elle a été victime à la maison. C'est très habilement mis en scène, et remarquable avec aussi peu de moyens. Et elle me dit : tu as entendu à la fin? Eh, non, j'ai rien entendu! Alors elle monte le son, encore et encore, jusqu' au maximum : rien, je n'entends rien, je ne perçois même pas une miette de miette de son! C'est elle qui me dira ce que j'aurais du entendre : "Clémentine, Clémentine, réveille-toi, reste avec nous, t'en va pas...". Ce sont les mots que j'ai prononcés pour la récupérer d'une perte de connaissance particulièrement profonde, il y a de nombreux moi. Il va falloir que je lui dise de mettre des sous-titres!
Sujet du court-métrage : "fragile".
Dès que l'implant aura été activé, je re-visionnerai son montage, et si je ne le comprends pas tout de suite, je sais que je l'entendrai et le comprendrai un jour!

Voilà une bonne occasion de parler des sous-titrages que je ne laisserai pas passer.

Quel sourd profond ou malentendant sévère a réussi à suivre au plus près les élections américaines - pour ne parler que du dernier évènement très marquants des derniers jours - en direct à la TV ?
Pour ma part, j'ai regardé tout un tas de personnes connues ou inconnues jouer aux carpes, tout en zappant sur les bandeaux d'infos des chaînes spécialisées. J'ai sans doute échappé à tout un tas de discours inutiles, mais je ne saurai jamais lesquels j'ai ratés : l'absence de traduction simultanée en a décidé pour moi, à ma place! Le bon, le moins bon, le pire comme le meilleur, ce n'est pas moi qui décide. Je me sens souvent, face à l'image, comme une gourmet auquel on présenterait un menu particulièrement alléchant mais qui devrait se contenter de restes tout juste accommodés.
J'essaie de fonctionner sans paranoïa, mais force est de constater que, bien que le sous-titrage progresse, ce dont on ne peut que se féliciter, même si l'on est, en France, loin, très loin de tout un tas d'autres pays dans ce domaine, les émissions à contenu un peu pointu restent encore étonnamment "muettes". J'en veux des émissions souvent documentaires ou de témoignages qui permettent d'ouvrir et de nourrir la réflexion. Et toutes ces émissions bla-bla où se confrontent philosophies, croyances, certitudes et idéologies...Les sourds ne penseraient-ils donc pas ? Et puis, il faut savoir également, que les sourds ne rient pas : quel humoriste est-il sous-titré?
A l'occasion d'une petite annonce proposant une formation et des emplois de sous-titreurs, je suis entrée en contact avec le responsable de la société avec lequel j'ai eu un échange particulièrement instructif. Je lui ai fait part de mon agacement devant des orthographes très approximatives et surtout un langage très édulcoré qui gomme les outrances, voire les outrages de la langue. "Merde" se dit mais ne s'écrit pas. On lira M... ou pire, Crotte!


Voilà le texte de mon mail, je me cite!


Bonjour,
je suis malentendante et appareillée, mais je ne peux plus me passer des sous-titres, la technologie ne permettant pas de résorber mes 95% de perte. Mais j'ai lu votre annonce "sous-titreur"sur Télérama.fr , et j'ai pu mesurer toutes les qualités et contraintes de la fonction. Cependant, étant à la fois encore capable de capter certains mots sur les médias, et pratiquant spontanément, la lecture labiale, je voulais vous signaler que le monde des sourds n' est pas un monde édulcoré , et pourtant les "grossièretés" verbales disparaissent au sous-titrage comme si on ne supportait pas de les voir écrites. Cela fait-il partie d' un code éthique, ou, inconsciemment, une censure se met-elle en place chez chaque technicien?

Il y a souvent des fautes d' orthographe, en direct, mais l' urgence de la traduction l' explique et l' excuse implicitement. Par contre, il est une faute de sens qui revient très, très souvent, pour ne pas dire systématiquement, et même dans les livres, c' est la confusion entre "autant" et "au temps". Exemple : autant le dire tout de suite, il n' y a jamais eu autant de fureur au temps des cathédrales : autant pour moi! (phrase idiote d' exemple!) Le sous-titrage donnera le plus souvent : au temps le dire tout de suite.......au temps pour moi!, les 2 autres ne posant pas de problème de sens. Pourtant, on écrit bien : autant en emporte le vent.... A moins que l' explication ne se trouve dans des locutions de sous-titrage automatiques, il me semble bien que vous les évoquez dans les profils recherchés...

au temps une fôte d' acord dans l' urgence peut être excusé, mais que le sense soit atint me jêne profondément....

Cela prouve que le sens du texte est incompris, et cela peut générer de l' incompréhension.

Merci, cependant, à ces professionnels qui sortent les sourds d' un néant audiovisuel. Je bataille autour de moi pour faire équiper les cinémas de boucles magnétiques (3 déjà s'y sont mis, dont un avec traduction simultanée). Je peste devant les débats télévisés qui ne sont pas sous-titrés. Je m' énerve face aux pavés indigestes du JT de TF1, trop longs à lire, je m' agace sur la 2 quand une phrase est suspendue et que la phrase suivante la laisse inachevée, je peste contre ARTE qui fait comme si nous n' existions pas, etc...

Il y a eu, indéniablement, un énorme progrès depuis la loi sur le handicap, mais nous sommes très loin derrière des pays comme le Canada ou la Suède, pour ne citer qu' eux. Sans aucun doute, les sourds sont doublement handicapés, la surdité ne se donne pas à voir : les sourds n' entendent pas, c' est un fait acquis, mais personne ne les entend non plus!

Très bonne continuation dans votre mission d' ouverture.

Cordialement,

Annick Tandavarayen

Malentendante appareillée, professeure d' école en maternelle, animatrice d' ateliers de couture, metteure en scène de spectacles scolaires, scénariste, comédienne, costumière, auteure de "Mon tout petit" (éd: AMDS), artiste en sculptures de papier, et ex-chanteuse d' un groupe latino de banlieue qui a eu son heure de gloire dans les années 80, ex-animatrice et ex-journaliste de radio libre....

On peut en faire des choses même quand on est sourd....




________________________________________________________________


Voici la réponse que j'ai reçue et que j'ai vraiment beaucoup appréciée : elle m'a permis de faire la part des choses. Encore une fois, il ne faut jamais se laisser aller à la colère et à l'agacement sans chercher à aller plus loin. Des réponses, il y en a souvent, encore faut-il poser les bonnes questions aux bonnes personnes, d'accord, mais c'est la même chose pour tout le monde, malentendants ou pas.

Je cite :

"Les raisons pour lesquelles les sous-titreurs ne sous-titrent pas toujours les grossièretés verbales s’expliquent de trois façons :

· Le son est parfois couvert par un « bip », ainsi même les entendants n’y ont pas accès.

· La vitesse de lecture est plus lente que les mots énoncés oralement et nous devons adapter le sens de ce qui est dit. Les grossièretés donnent parfois un ton supplémentaire qui n’ajoute rien à notre compréhension d’un sous-titre. Si les sous-titreurs ont le temps (ou l’espace sur une ligne) d’ajouter une grossièreté, ils le font sans aucun problème.

· Un mot écrit a beaucoup plus de pouvoir qu’un mot dit oralement, ainsi nous ne sous-titrons pas toutes les grossièretés, mais seulement celles qui donnent un ton plus général. Le but n’est absolument pas de censurer l’audience sourde et malentendante mais bien de respecter l’impact des mots écrits.

Vous mentionnez également dans votre e-mail les fautes d’orthographe. La plupart des sous-titres sont réalisés grâce à la technologie de reconnaissance vocale. Le sous-titrage est effectué par des « sous-titreurs vocaux » qui ont personnalisé leur modèle de voix et les dictionnaires associés à leur voix. Ces personnes ont été formées à la technologie de reconnaissance vocale de telle sorte que leurs voix et intonations soient facilement reconnues par le logiciel et converties directement en sous-titres. Pour réaliser ce travail, ils doivent écouter les commentaires ou les bandes-son d’un programme en direct, puis répéter simultanément ce qu’ils viennent d’entendre, tout en ajoutant oralement la ponctuation au fur et à mesure qu’ils avancent dans le phrase. Ainsi ce qu’ils « disent » correspond à ça : « LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE VIRGULE NICOLAS SARKOZY VIRGULE A AJOUTER VIRGULE OUVREZ LES GUILLEMETS IL Y A DES QUARTIERS DANS NOTRE PAYS OU L’ON A MOINS DE DROITS ET MOINS DE CHANCES QUE D’AUTRES POINT FERMEZ LES GUILLEMETS ».


Comme vous pouvez l’imaginer ce n’est pas si simple, et d’autant plus si l’on tient compte de la difficulté de distinguer un mot dont le son est identique ou similaire et du taux de répétition de 220 mots par minute qui est vraiment problématique. Comme vous le savez, la langue française est remplie d’homophones (vous citez « autant » et «au temps ») et les sous-titreurs ont dû développer des astuces qui permettent au logiciel de reconnaissance vocale de choisir le bon mot ou terme. Tout ceci ajoute une couche supplémentaire de complication (sachant que la même chose s’applique pour les « accords », etc.).



Je suis certain que vous apprécieriez que le sous-titrage en direct vous soit livré directement par des personnes qui travailleraient sans aucune sorte de filet de protection. La moindre petite erreur sera retransmise immédiatement. Ceci rend une tâche techniquement habile et difficile encore plus stressante. Cependant, les sous-titreurs ne sont autorisés à diffuser à l’antenne qu’à partir du moment où ils ont atteint un niveau d’exactitude minimum de 95%, mais notre objectif est d’atteindre régulièrement les 97% et plus. Le sous-titrage en direct est encore à ses débuts en France et nous travaillons constamment sur les différents moyens d’améliorer notre service au travers de logiciels et de techniques toujours plus performants, mais le sous-titrage en direct ne reproduira jamais (à moins que nous ne soyons pas encore capable de le faire techniquement) de sous-titres avec une exactitude de 100%.



Dans votre message, vous ne n’indiquez pas où vous avez vu ces inexactitudes – TF1 ou M6 (qui sont pour l’instant les deux seules chaînes fournissant des sous-titres en direct pour les journaux télévisés), Canal + (pour Dimanche +) ou LCP. Nous fournissons actuellement les sous-titres en direct pour M6, LCP et Public Sénat. Nous travaillons également avec Jérémie Boroy, Président de l’UNISDA, sur une Charte Qualité pour le sous-titrage en France. Le site www.medias-soustitres.com que vous connaissez j’en suis sûr, est par ailleurs une très bonne source d’informations pour l’audience sourde et malentendante sur tout ce qui tourne autour de l’accessibilité aux média en France.

Nous apprécions toujours de recevoir les différents points de vue de l’audience utilisatrice de nos services. N’hésitez surtout pas à me contacter si vous avez d’autres questions ou remarques, je serai ravi de pouvoir vous répondre.

Cordialement,



Alex Keiller

Alexander Keiller | Directeur Général

Red Bee Media France





Monsieur Alex Keiller m'a appris des choses épatantes : qui sait, en dehors des pros, comment sont fabriqués les sous-titrages?
Moi, je pensais plutôt à du téléscriptage simultané. J'ai été surprise par les limites de la technologie et en même temps rassurée : l'humain a encore de l'avenir!
Je suis étonnée qu'aucun journaliste ne se soit penché, encore, sur ce sujet passionnant. Mais peut-être cela ne concerne-t-il que les sourds...donc, pas assez de public...non! c'est une mauvaise réflexion : parce que les sourds ne sont pas seuls; autour d'eux, il y a des familles, des amis, des collègues, tout un tas de personnes qui seraient intéressées, j'en suis sûre!

J'espère bien qu'aujourd'hui, je vous ai appris des choses!

OBAMA : vous n'y échapperez pas!

Impossible d’échapper à cette déferlante optimiste : OBAMA élu !
On écrira sans doute tout et n’importe quoi. On remontera aux Écritures, aux ancêtres, aux esclaves. On tirera des leçons, on érigera des sentences…Aujourd’hui, c’est jour de liesse.
Demain qui sera plus difficile.
Parce qu’un nouvel homme, aussi charismatique, aussi sincère, aussi empathique soit-il, ne pourra pas d’un coup balayer les fondements économiques d’une culture du profit, de la domination du plus fort, du plus riche, du mieux armé.
OBAMA c’est un signe fort, un discours différent, un regard sincère et respectueux, une culture métissée vraiment qui ne renie pas ses racines mais ne revendique aucune revanche, c’est une nouvelle couleur pour la Maison Blanche. Celle de la sincérité. Avec ce que cela suppose de force et de faiblesses aussi.
Il est la voix du peuple, et il faudra que ce peuple comprenne que demain, le soleil se lèvera toujours du même côté, et que la journée ne s’annoncera guère différente dans son quotidien de celle de la veille. Pas de baguette magique, pas d’apprentis sorciers. Des efforts, du travail à l’horizon, mais dans un autre état d’esprit, avec un regard vers l’avenir différent.
Les États-Unis au seuil des reconquêtes intérieures. Il va lui falloir défricher son propre terrain, faire un vrai ménage, jeter les vieilles peurs, apprendre à regarder, à écouter, à partager vraiment. Car il faudra que le respect fonctionne dans tous les sens : pas question que les opprimés et les laissés-pour-compte d'hier deviennent les profiteurs de demain. Il ne s'agit pas de remplacer un groupe par un autre en disant chacun son tour. C'est une autre société à construire, à inventer.

L' Amérique, là où tout est possible, mais qui semblait surtout couver frileusement des individualismes mortifères, vient encore de nous donner des leçons : la vieille Europe a le souffle court des dinosaures en fin de règne. De l’autre côté de l’Atlantique, c’est une vraie mutation qui vient de se produire : les Hommes ont peut-être, de nouveau, un avenir…

Et moi qui ne suis pas croyante, je serais tentée de dire « God bless Obama ! »

Le plus difficile sera sans doute de le garder vivant !

On s'emballe pas!

Avec toute la patience et la pédagogie possibles, j’ai expliqué à tous et à chacun ce qu’il allait advenir de moi dans des prochains jours, les prochains mois. J’ai expliqué la surdité, la maladie, les espoirs de l’implant, l’opération, la rééducation.

Et pourtant, j’ai compris aux gentils messages de rétablissement, que beaucoup croyaient que d’un coup, comme ça, clac, j’allais redevenir « normale », c'est-à-dire comme tout le monde, c'est-à-dire comme eux…les bien-entendants !

Heureusement que je ne suis pas sur le même nuage : les chercheurs qui mettent au point les appareils destinés à combler un déficit sensoriel ou moteur ne sont ni des magiciens, ni des sorciers. Ce ne sont pas non plus des faiseurs de miracles. Il n’y a pas de baguette magique qui bourgeonne les tissus sans cicatrice. Je ne deviendrai jamais une bien-entendante. Je suis sourde profonde désormais, et je serai toujours sourde profonde. Mais implantée, s’il vous plait…

Ne m’a-t-on pas dit même : « alors, on va te retirer ta carte d’invalidité ? »
Ah non alors ! J’y tiens beaucoup ! Elle me permet de griller les files d’attente et de m’asseoir quand il n’y a plus de place libre…et ce n’est pas un luxe, même si je sens bien les regards inquisiteurs se demander « mais qu’est-ce qu’elle a celle-là encore…trop vieille pour être enceinte…plus tout jeune mais pas assez vieille pour être vieille…pas de boitement…rien de décelable…et si sa carte était fausse…ça existe les faussaires et les resquilleurs… »

Ah, les histoires de files d’attente ! J’en ai tout un sac qui ferait le délice d’un humoriste…

Promis, je raconterai…