lundi 22 décembre 2008

Noël


Bientôt Noël...

J'ai déjà eu un cadeau magnifique avec 2 mois d'avance : mon oreille bionique me va comme un gant!

A Noël, je voudrais entendre les bulles de Champagne... c'est tout...

...et aussi le boire!

File d'attente 2

Cette histoire là n'a rien à voir avec ma surdité, bien que déjà, à l'époque, je sois numériquement équipée. Cette fois-là, c'est ma fille qui a joué le rôle de handicapée : une réception de ballon malencontreuse la veille suivie d' une nuit de douleurs muettes et elle s'était retrouvée l'avant-bras immobilisé dans une résine. Fracture du poignet.
Et moi qui lui avais dit que si je l'emmenais à l'hôpital, il fallait que ce soit pour une bonne raison!

Elle n'a pas osé venir me réveiller malgré ses douleurs résistantes à l'antalgique que je lui ai donné. J'ai emmené 100 fois mes enfants passer des radios pour rien, sinon nous assurer que nous avions tort d'être inquiets. Et puis, cette fois-ci, comme dans les histoires, un simple jeu de ballon, un soir d'été, sur la pelouse encore gavée de soleil...
Le lendemain, dans l'hôpital désert, tandis que l'infirmière habille l'avant-bras douloureux d'une coque de résine, j'ai le temps de prendre la mesure de ma culpabilité.
En repartant, je propose à ma minette fatiguée de nous arrêter à l'hypermarché pour acheter "une galette et un petit pot de beurre". Notre location de vacances est à 30 kilomètres, et c'est l'occasion de compléter nos provisions. L'occasion aussi, sans doute, de faire diversion.
Un quart d'heure plus tard, lestée de nos emplettes, je constate que la queue de caddies dégueulant de nourritures et fournitures diverses aux caisses défierait l'entendement d'un commerçant averti. Je sens bien que ma minette a besoin de se retrouver au calme : les antalgiques donnés à l'hôpital commencent à faire leur effet. Et il y a au moins 10 clients en attente devant chaque tapis.
C'est vrai que je peux tout laisser là et revenir seule un peu plus tard, mais cela veut dire 60km d'essence, de pollution et de temps ...
Alors j'improvise : je repère le vigile et vais plaider la cause de ma fille. Il comprend, compatit et nous escorte vers la caissière la plus proche. Tandis que j'installe les quelques articles indispensables sur le tapis, je sens que la révolte gronde derrière mon dos. Le vigile a pourtant expliqué que ma fille sortait de l'hôpital et que mes quelques achats ne prendront que peu de temps à être enregistrés et payés.
Du fin fond de la queue, une femme se précipite, vociférant, sifflant, crachant. Chacun la regarde avec stupéfaction mais néanmoins, l'empathie les gagne : je dois faire la queue! Et comme la caissière en est à l'encaissement de mon prédécesseur, l'urgence les étreint et on extirpe de la foule, un monsieur à béquilles, ultime témoignage de l'outrage que ma fille et moi faisons à tous et à chacun : "le monsieur, là, il est handicapé, et bien il fait la queue comme tout le monde", et comme l'ignominie de la chose n'ouvre les yeux à personne, et que je refuse de répondre à la provocation, le fameux monsieur déclare "Oui, madame, je fais la queue comme tout le monde"avant de béquiller vers son panier à terre (je me demande encore comment il se débrouillait entre ses 2 béquilles et son panier).
C'est la rapidité de la caissière qui a dénoué la situation : la note était déjà faite. J'ai payé et nous avons quitté le magasin sous les regards furibonds.
Ma fille était endormie avant même que la voiture ne quitte le parking.
Je m'en suis voulue de lui avoir imposé cette scène éprouvante. La lui éviter aurait bien valu le désagrément de 60 km de route en plus!

Maintenant, je possède ma carte "coupe-file" et je ne me prive pas de m'en servir : en la montrant, je signe mon état de handicapée. C'est presque un acte de résistance. C'est bien plus que passer devant tout le monde, c'est revendiquer le respect et la compassion, même en force. C'est imposer la perception du handicap, et surtout, du handicap non visible.
Ce monsieur aux béquilles est une illustration extrême : que personne ne l'ait laissé passer parait incroyable, et qu'on l'exhibe pour justifier un ordre établi est abject; mais cela a été fait "en toute mauvaise conscience", parce qu'il était difficile d'ignorer que ce monsieur avait des difficultés à se déplacer.
En m'imposant avec ma carte prioritaire orange, et en apparente intégrité, j' interpelle. En général, on regarde mon ventre, quoique mon âge ne l'autorise plus à s'arrondir d'une promesse de vie. Je sens bien que l'on s'interroge et c'est ce qu'il faut : il y a tout de même beaucoup de situations de handicap qui ne se révèlent pas à la vue.

Chaque valide est un handicapé potentiel...