dimanche 7 février 2010

3 mois déjà...

3 mois que j'ai "abandonné" le blog!
Non, que je n'ai rien à raconter, au contraire.
Trop de tout. Difficile de faire le tri. Il y a des moments où il faut savoir se laisser le temps de prendre du recul. Et il s'est passé tant de choses depuis 1 an...depuis 1 an...
Parce que je viens de m'apercevoir que cela fait exactement 1 an que j'ai été implantée...Incroyable mais vrai. Sans rien avoir prémédité, me voilà de nouveau sur ce blog, abandonné il y a 3 mois, et au jour anniversaire de mon implantation.
Je tapais "1 an" quand j'ai éprouvé la sensation vertigineuse d'une incroyable coïncidence, que je suis allée vérifier sur le calendrier de l'ordi.
Et je n'ai pas une bouteille de Champagne à déboucher pour fêter ça, tout de suite, et toute seule. pas grave, ce sera pour plus tard, et accompagnée. Allez, je vais me faire une verveine-menthe, vue l'heure, ce sera de toutes façons, plus raisonnable.
Bilan qui s'impose : il s'en est passé des choses depuis 1 an...et même si certaines font mal, au bout du compte, il n'y a que du bonheur à venir, et c'est la seule chose importante.
En recouvrant la faculté de communiquer, tout en entrant complètement dans le handicap, j'ai trouvé la force de bouleverser l'ordre établi, d'envoyer promener une union mortifère et perverse à laquelle j'avais fini par me  résigner, persuadée que ma vie était désormais derrière moi.
Je suis en pleine reconquête : pas simple de reconstruire l'estime de soi. C'est si facile de manipuler quelqu'un qui entend mal, voire pas du tout, de dire que j'ai compris de travers et tellement plus rapide de me siffler pour attirer mon attention...
C'est si facile de maltraiter un(e) handicapé(e) qui épuise son énergie à être toujours meilleur(e) par crainte de n'être pas, simplement au bon niveau de communication...
Le rituel de passage est éprouvant. Divorcer, même quand on le désire, n'est pas une petite affaire qu'on expédie d'une signature. D'abord on est 2, et même, dans mon cas, nous sommes 4. Et pour les enfants, même adolescents, c'est aussi difficile à vivre.
Mais c'est ma vie d'abord, pour mon bonheur, mon équilibre, il est largement temps pour moi, d'être égoïste et de retrouver celle que j'étais avant...en mieux!
L'implantation a signé mon retour au monde communiquant et la prise de conscience de la pétrification de mon quotidien autour de ma résignation.
Ensuite, petit à petit, j'ai cheminé sur le chemin de mes nécessités et de mes désirs.
20 ans que je m'efface, gommée par les nécessités familiales, 20 ans que je cultive l'empathie forcenée, au mépris de mon estime de soi, 20 ans que je veux absolument sauver le monde, mon monde, et que j'oublie, simplement, de prendre soin de moi, 20 ans que je m'entête à semer du bonheur sans retour ou si peu.
Et si je n'avais pas été implantée, aurais-je eu cette force?
Il aurait fallu, d'abord, que je prenne conscience de l'emprise dans laquelle je me débattais sans l'identifier. Je crois que j'aurais pu continuer jusqu'au bout de ma vie, à arrondir les angles, à ménager le confort des uns et des autres tout en faisant fi de mes propres besoins et désirs. Toujours prête, comme un vaillant petit soldat. J'ai été et suis encore, celle qui a enfanté, et qui console, soigne, guérit, celle qui appelle le docteur et fait office de garde-malade, celle qui pense aux vaccinations, celle qui évite d'ouvrir le dictionnaire pour chercher une signification, une orthographe, celle qui fait les courses, le ménage, la cuisine, les confitures, la vaisselle, la lessive, celle qui rencontre les professeurs, fait les valises, remplit les questionnaires et autres paperasses administratives, celle qui choisit, paie et pose la papier peint et le parquet stratifié, celle qui attaque le vieux carrelage au burin avant de poser le neuf en ménageant les découpes nécessaires aux prises de courant, celle qui refait la plomberie et l'électricité, celle qui installe une cuisine intégrée et un porte-bagage sur un vélo, celle qu'on appelle à minuit quand il est trop tard pour prendre le bus pour rentrer,  celle qui coud un petit manteau et raccourcit les jeans, celle qui refait les housses de fauteuil et vernit le bois brut des meubles après ponçage à la laine d'acier, etc., mais aussi celle qui interdit, qui pose la loi, qui explique les pourquoi et les comment, celle qui met les limites, celle dont on recommande les conseils en refusant de les suivre, celle dont on pille le porte-monnaie ou la garde-robe sans vergogne, celle à laquelle on ne prend même plus la peine de s'adresser puisque ça ne vaut pas la peine, vu que je n'entends pas...
La liste serait si longue que je serais bien folle d'imaginer que je puisse la clore un jour, et franchement, j'ai autre chose à faire que ruminer les tâches qui m'ont absorbée, étouffée, coulée.
Mon quotidien ne fait pas l'impasse sur les tâches nécessaires : le linge se lave toujours, et les estomacs doivent se remplir, mais je ne m'y perds plus. J'apprends à désinvestir émotionnellement, à relativiser les nécessités et à prendre en compte mes propres besoins. J'apprends à me respecter et à me faire respecter.
Même au seuil de la retraite, la vie continue. Je croyais, il y a 1 an, que j'étais vieille et tout juste bonne à entretenir le confort d'une famille qui se souciait fort peu de moi et pour laquelle j'étais devenue un objet de confort qui avait surtout une énorme qualité : celle de s'entretenir soi-même.

dimanche 22 novembre 2009

Rumeurs...

Évidemment, les murs ont des "Zoreilles" largement plus efficaces que les miennes, et inévitablement, cela finit par me "revenir".
Il y a 2 ans, j'étais devenue la "vilaine maîtresse qui fait pleurer la directrice" -non, je ne mettrai pas de D majuscule! Et je sais, qu'aujourd'hui encore, la quasi totalité des personnels de l'école ignore toujours ce qui s'est réellement joué lors de cet incident si bien mis en scène.
Cette année, et pour l'instant, je suis "celle qui parle mal à son mi-temps", et celle qui vient à l'école pendant que cette dernière est en poste.

Et en route pour la désinformation!
Comment dire les choses vraies si, d'emblée, elles sont mal perçues, simplement parce qu'il ne s'agit pas de se complimenter en permanence, mais tout simplement de travailler ensemble et de progresser ?
Qu'ai-je évoqué d'autre que la contrariété d'échanges par mail qui ne se font pas et de petits mots qui restent sans réponse?
Comment renouer le contact avec quelqu'un qui le refuse avec constance et obstination et dont je n'ai même pas le n° de téléphone, alors que j'ai fourni toutes les coordonnées possibles pour me joindre ?
Je ne cacherai pas que je redoute le téléphone : j'attends un nouvel appareil adapté à mon implant qui devrait me donner enfin, un véritable confort d'écoute.
Il ne me reste donc plus que le contact physique... Que ne m'a-t-on pas vue hanter à de nombreuses reprises les couloirs de l'Inspection Académique, de la MGEN et de la MDPH, simplement parce que je ne peux communiquer précisément par téléphone... J'en perds du temps, ma voiture en dégage des substances polluantes, toute contrainte que je suis de rencontrer mes interlocuteurs en chair et en os..
Et quand établir ce contact sinon au moment où ma collègue est présente dans les lieux ?
Nul doute que je vais me retrouver avec une longue liste de qualificatifs tous plus sympathiques les uns que les autres.
Et je peux déjà ajouter :
-celle qui casse les pieds à tout le monde parce qu'elle ne veut pas faire plus de temps de service que les autres;
-celle qui réclame, quoiqu'on lui serve pour l'en dissuader, une réunion avec les parents d'élèves de sa classe;
-celle qui ne veut pas comprendre qu'elle est une privilégiée alors qu'elle ne travaille qu'à mi-temps, quand d'autres sont à temps plein et en remplacement de surcroit;
-celle qui refuse d'accueillir un lapin dans sa classe alors que sa remplaçante en avait finalement été convaincue;
-celle qui refuse de participer au spectacle de fin d'année qui a lieu un mardi (il faut être cohérent : je suis personna non grata les lundi et mardi, "n'est-il pas"?) alors qu'on s'est comporté comme si cela allait de soi en  lançant des œillades impersonnelles à " l'artiste de l'école qui saura bien nous faire ceci ou cela", etc. sans la consulter précisément...

La liste est ouverte, parce que j'ai d'autres doléances en attente qui risquent d'être très mal vécues, comme le déplacement des bacs de plantations installés par la mairie devant ma classe l'année dernière, alors que j'avais demandé l'aménagement du bac à sable désaffecté, et qui vont gêner le renouvellement de la grande aventure du Petit Jardin.
Ce serait tout de même ridicule que devant ma classe, lesdits bacs, récupérés par les autres classes pour des activités ponctuelles, me contraignent à installer mon projet pédagogique annuel devant une autre classe inoccupée.
En attendant, je me cloue le bec et je me ronge les ailes pédagogiques quand j'ai envie de dire que la cour de récréation ne s'écrit pas "cours" en grandes lettres sur un panneau, qu'un affichage de photos doit se faire à hauteur d'enfant, qu'il ne s'agit pas d'une vitrine destinée aux parents, mais d'un merveilleux outil pour les élèves qui peuvent ainsi s'exercer encore et encore à communiquer entre eux, ou avec les adultes, en peaufinant leur langage et en confrontant leurs acquisitions. Et qu'on ne me serve pas l'argument "'imparable" des dégradations supposées du centre aéré : pendant des années, j'ai affiché des photos de cette manière, et il n'y a jamais eu de problème, au contraire : les élèves de passage aussi, s'intéressent aux photos et en discutent. En attendant, les petits tendent le cou en essayant de voir ce qui se passe sur ces photos qui parlent d'eux et qu'ils ne peuvent même pas atteindre en levant la main et en montant sur la pointe de leurs pieds. Franchement, je préfère que les parents ploient le dos ou plient les genoux dans une attitude de connivence affectueuse. Jamais aucun parent n'a protesté contre ce mode d'affichage dont ils avaient parfaitement compris la nécessité, ainsi que je leur avais expliqué en réunion de début d'année, cette fameuse réunion que l'on me refuse encore et toujours.

il va bien falloir réagir!

Pas question que je retombe, comme il y a 2 ans, dans les affres du harcèlement et de la culpabilité!
J'ai souffert 2 mois avant de me résoudre à demander de l'aide, en catastrophe, prête à "péter les plombs, comme on dit, auprès d'un médecin de prévention qui a eu le diagnostic immédiat : jalousie, envie et surtout pas handicap.
Difficile de ne pas tout mélanger. Le handicap génère si facilement l'angoisse de ne pas être à la hauteur, la peur d'être prise en défaut, et finalement la culpabilité, qu'on est une proie facile pour les manipulateurs de tout poil.
Dès mon retour en poste, il y a eu des problèmes, mais encouragée par le médecin de prévention, j'ai fait face.
Seulement, même si je suis seule dans ma classe, je fais tout de même partie d'une équipe, et plus encore, je partage la semaine de travail avec la collègue remplaçante qui s'est installée dans mes "pantoufles" depuis plus d'un an, et finalement accepte très mal mon retour, ce que je conçois parfaitement, sans me sentir aucunement coupable de son retour à l'inconfort des remplacements.
Dès mon premier jour à l'école, j'ai évoqué l'inégalité flagrante des services : services de récréation et astreinte de dortoir tous les jours, alors que les services de ma collègue se divisaient par 2, et je ne parle pas du déséquilibre par rapport aux services de chacune des collègues de l'école.
Une fois de plus, j'ai eu droit aux : il faut que tu comprennes... Mais moi, je ne veux pas comprendre, justement, parce qu'il n'y a rien à comprendre. Un mi-temps est un mi-temps, et il n'y a aucune raison que je récolte des pénalités arbitraires, simplement parce que le Bon Plaisir de la collègue directrice l'a décrété. J'ai fini par dire que j'allais en référer à un supérieur hiérarchique. Merveille, la semaine suivante, le problème était arrangé, selon le vieil adage, quand on veut, on peut!
J'ai déjà évoqué toutes les petites misères supportées depuis mon retour, mais il faut que je rajoute un épisode.
Il y a 2 semaines, la collègue directrice me proposait une sortie le matin du jeudi 19 novembre, avec comme suggestion, comme je n'avais pas caché mon désir de relancer le projet du Petit Jardin, d'aller faire un tour chez TRUFFAUT, pour voir les plantes et éventuellement en acheter.
Ah non, pas question que j'emmène 24 petits de 3 ans dans un supermarché, fût-il de plantes. Quel intérêt?
Et pour voir quelles plantes intéressantes en cette période de l'année, moi qui "potagère". Tous les jardiniers le savent : c'est un temps de repos pour le jardin. Et puis, nos plants, nous les ferons pousser à partir de graines...donc pas besoin de faire une sortie contraignante assortie de faut pas toucher, on regarde avec les yeux, on ne se bouscule pas, etc... J'ai suggéré la Ferme des Meuniers, ON m'a dit qu'ON allait s'en occuper. J'ai trouvé la méthode curieuse : les autres années, chaque sortie était préparée par l'enseignante soi-même : je n'avais pas encore envie de paraître rétive, donc, j'ai pris ça pour une facilité, et c'est tout.
Les 2 semaines se sont écoulées sans qu'on évoque cette fameuse sortie.
Le jeudi 19, je demandai donc quelle était la destination finale.
Quelle destination? Quelle sortie? Quel Car?
Il n'y a pas de sortie prévue ce matin : il n'y a pas de car! 
Moi : mais, je me souviens bien que le 19, je devais faire une sortie, j'avais même refusé la proposition de la jardinerie...
Je m'attendais même à ce qu'on me dise que j'avais mal entendu, ou mal compris, moi qui ne veut jamais rien comprendre et qui bien sûr, n'entend rien.
Et bien non, en face on a assumé jusqu'au bout mais sans excuses ni explications :
Ah oui, c'est vrai...mais ça a été supprimé : il y a bien une sortie, mais c'est cet après-midi, avec les moyens...
Avant d'avoir à faire face à une nouvelle volée de "il faut que tu comprennes", j'ai tourné les talons, calmement, du moins je le crois, mais évidemment furieuse et normalement excédée de ces mesquineries contrariantes et faciles.
Bien sûr, nous avions de quoi nous occuper sainement ce matin là, comme les autres d'ailleurs : il restait des pots à pailleter, et il fallait commencer le rempotage, les boutons ayant fini par exploser en bouquets de fleurs blanches très (trop même) odorantes pour le plus grand bonheur des élèves émerveillés.
J'étais très contrariée, mais il a suffit de démarrer un cycle de "pompiers-petits minous-crocodiles" pour que tout s'envole. Porte de la classe fermée, j'échappe aux tentatives d'emprise, je suis chez moi, et quand je vois à quel point les élèves respirent le bonheur dans le plaisir de partager la magie de ces comptines, je me dis qu'au moins, il y a des petites graines d'amour et de plaisir d'apprendre et de partager semées ici et qu'il en restera toujours quelque chose.

On parle beaucoup de souffrance au travail, de pressions, de suicides. Des entreprises sont montrées du doigts. La crise y est sans doute pour beaucoup : l'argent et le profit font force de loi, l'humain n'a qu'à suivre et s'adapter. sinon...

Il y a 2 ans, j'étais à deux doigts de lâcher prise, très consciente que mon ultime démarche auprès des bureaux de rectorat pouvait seule impulser une saine direction au problème.
Quand on en vient à douter de soi, de sa capacité d'analyse, quand on est renvoyé inexorablement aux questionnements identitaires, quand tout exclut alors que la raison lutte et se débat sans efficacité, on peut effectivement rendre les armes, se saborder, couler.
Faute d'avoir trouvé la bonne sortie, la main secourable.
Ensuite, facile, il suffit de trouver des justifications dans la vie personnelle, et la mienne en est riche en cette période de divorce difficile.
Sauf que ce sont justement ces difficultés, et l'expérience retirée des harcèlements dont j'ai été victime il y a 2 ans dans cette même école, qui m'ont permis de repérer les manipulations et qui, aujourd'hui, me permettent de gommer les tentatives de culpabilisation et de décider de ne pas attendre plus loin pour alerter les personnes habilitées à faire bouger les choses.

Mon handicap n'est qu'un moyen d'assurer l'emprise et le harcèlement.
C'est moi en tant que personne qui suis attaquée : les écrits de Marie-France Hirigoyen et ceux d'Isabelle Nazaré-aga pour ne citer que les deux plus éminents spécialistes de la manipulation, ont affûté ma vigilance et armé mes défenses. Mais je ne tiendrai pas seule pendant un an... Je connais mes limites et je sais que je ne peux batailler sur tous les fronts, professionnel et personnel, même si je trouve, autour de moi, des soutiens empathiques et chaleureux.

jeudi 12 novembre 2009

personnels en situation de handicap

Aujourd'hui, j'ai participé à un stage de formation de la FSU sur ce thème.
J'ai appris beaucoup de choses, et d'autres ont été confirmées.
Surtout, j'ai rencontré d'autres personnes handicapées, et des personnels sociaux en demande de connaissances.
Il semblerait qu'il soit le lot commun d'être rejetée par ses collègues. Je ne suis pas la seule à subir des pressions, des intimidations.
Notre sort est tellement enviable qu'on se retrouve pris dans les filets de la jalousie et de l'envie. Ici, ce sera pour une salle spécialement aménagée, là pour des horaires allégés, etc...
Nous sommes des personnes handicapées, mais surtout, et avant tout, des travailleurs privilégiés.
Rien que d'y penser, j"en ai la nausée.
Il y a vraiment beaucoup de travail à faire ...

mardi 10 novembre 2009

Je suis un monstre!

La reprise n'a pas été facile au sein de l'école mais fantastique dans la classe.

En moins de 10mn, j'ai retrouvé habit de lumières pédagogiques et l'envie de faire et le besoin de partager qui vont avec.
Si les parents étaient quelque peu inquiets, comme un jour de rentrée, le premier matin, leur appréhension s'est rapidement estompée. Je pense aussi que le tam-tam local a dû bien fonctionner. J'ai laissé des traces et beaucoup de parents étaient très sincèrement désolés de ce qui m'arrivait et n'avaient qu'une hâte, me voir revenir le plus vite possible.

Je ne sais comment les informations circulent, mais des mamans m'ont dit être au courant de la frilosité avec laquelle j'avais été accueillie... et elles en étaient choquées, bien sûr.

J'ai donc repris mon poste le 8 octobre. Je travaille les jeudi et vendredi, ma collègue remplaçante continuant à assurer les lundi et mardi.
D'emblée, il m'a semblé qu'un bon contact était établi... mais il semblerait que je me sois laissée aller à trop d'optimisme. Difficile de faire la part des choses dans le jeu des manipulations.

L'ambiance de l'école est curieuse : les personnels ont changé, nouvelle collègue directrice (même si je l'ai connue simple adjointe il y a des années), nouvelles collègues nommées pour l'année, nouveaux horaires, nouvelles contraintes de travail avec la mise en place des soutiens individualisés sur le temps des samedis matin désormais chômés pour la plupart. A moi de me débrouiller -seule- pour trouver mes marques : c'est moi qui suis allée visiter mes nouvelles collègues dans leurs classes (j'ai croisé ce mardi, par hasard les collègues qui ne sont pas présentes les jeudi et vendredi), c'est moi qui ai débrouillé les nouveaux usages du soutien individualisé, c'est moi qui vais à la pêche aux renseignements. Pour tout dire, c'est à peine si j'ai réussi à débrouiller que le projet d'école portait sur le vivant.
C'est vrai aussi que j'y mets de la mauvaise volonté : j'ai refusé, dès mon arrivée, d'accueillir un lapin nain dans la classe, comme la collègue directrice en avait convaincu ma collègue remplaçante. Avec d'excellents arguments cependant : il y a 3 ans, l'entretien de Pompon, tout adorable qu'il ait été, avait grevé le budget de la coopérative. Et je n'évoque pas les galères de la gestion des séjours dans les familles, ni les corvées de nettoyage, et je préfère passer sur le soutien affiché de l'employée municipale qui ne pouvait entrer dans la classe sans lancer des "ça pue" sonores et dégoutés, arguant qu'on ne lui avait pas demandé son avis, à elle, qui en plus, soudain, se déclarait allergique! J'ai découvert cette année, que le pauvre lapin s'était d'ailleurs pris quelques coups de balais irrités. Bizarre, cette année, cette même personne s'attendrit sur les bestioles et son allergie a disparu.

Quand je me retrouve en groupe avec les collègues et que la collègue directrice est présente, elle mobilise la parole et l'attention, et surtout, veille à ne jamais s'adresser à moi, et à ne jamais croiser mon regard.
Ce midi, elle n'a  même pas répondu à mon salut, racontant d'emblée aux vraies présentes autorisées quelle merveilleuse sortie elle venait d'accompagner : c'est vrai que ce n'était pas mon jour de pointer à l'école (on est mardi, et mon mi-temps court les jeudi et vendredi) . Peut-être pense-t-elle que si il m'arrivait un accident dans ses lieux alors que je ne devrais pas y être, elle serait tenue pour responsable , un argument qui m'a été servi lorsque j'ai bravé l'interdit, il y a un an, pour me présenter aux parents lors de la grande réunion de début d'année, et alors que je venais d'entrer dans le grand congé précédent mon implantation.

Ce qui a donné, la semaine dernière, une scène qui serait cocasse si elle n'était désolante de stupidité : elle venait d'aborder la grande question du spectacle de Noël. Depuis des années, ce spectacle repose, pour la plus grande part, sur mon investissement personnel, que je ne plains absolument pas : j'adore! Je "scénarise", je "costumise", je décore, je "directionne d'acteurs" et je joue en général le 1er rôle.
L'année dernière avait été une année spéciale : je n'étais pas là, et en urgence, on avait décidé de rejouer Le Petit Chaperon Rouge, dont on me demanda de réécrire le scénario que j'avais rangé je ne sais où. Quand je me présentai, bonne élève, avec le devoir accompli, on me dît que ce n'était plus la peine, qu'on s'était débrouillé autrement. Qu'à cela ne tienne, je remballai mes feuilles qui m'avaient vue plancher plusieurs couples d'heures tout de même, et leur souhaitai bonne continuation, refusant -il y a des limites à ma bêtise, tout de même- de me joindre à la "troupe". J'acceptai cependant l'invitation "chaleureuse" à partager le repas de Noël, promettant de fournir, comme d'habitude, le costume de Père Noël que j'avais confectionné à mon mari des années auparavant. Et j'apportais, évidemment, le jour-dit, ma contribution gourmande à la fête. Je crois qu'il s'agissait d'une Forêt Noire, à moins que je n'ai préparé de l'hoummous et du tarama ("maison", bien sûr!), je ne sais plus. Bref, je ne suis pas venue les mains vides. Quelques semaines plus tard, j'ai eu la surprise de recevoir un courrier du Trésor Public, m'enjoignant de régler une somme, certes dérisoire, correspondant à ce repas de Noël où j'avais été invitée. Mieux vaut rire de ma naïveté!

Toute cette délicieuse parenthèse pour revenir à l'organisation du futur spectacle de cette année.

Donc, nous étions installées autour d'une table, la collègue directrice exposait ce qu'elle souhaitait, laissant peu de place à la discussion, et s'adressant à chacune tout en évitant soigneusement mon endroit. Non, non, je ne suis pas parano!
J'ai beaucoup de mal à la comprendre : elle a une diction rapide et peu articulée avec des lèvres qui se déforment peu, et surtout la manie de mettre souvent la main devant sa bouche, ce qui évidement est très dommageable pour la lecture labiale instinctive que je pratique intensément lorsque j'assiste à des réunions. Elle ne s'est jamais, du plus loin que je me souvienne, souciée de mon confort d'écoute; pire, non seulement, elle ignore mon handicap, mais elle ignore ma propre personne. Et il ne s'agit pas d'une négligence, parce que nous nous connaissons et pratiquons depuis assez longtemps pour qu'elle n'ignore rien de mes difficultés et des stratégies à observer pour me permettre de mieux participer à un groupe de discussion.
Bref, je grappille les informations, m'apercevant avec délices, au passage, que je ne m'en sors pas si mal que ça.


Je suis désormais entrée dans l'écoute globale instantanée. Je ne suis plus dans l'angoisse de ne pas comprendre, et je pense que j'ai, enfin, perdu les réflexes d'analyse systématique des sons, comme lorsque j'avais des ACAs (ces appareils auditifs classiques, intra-auriculaires ou contours d'oreille, qui ne sont en fait que des amplificateurs perfectionnés et très miniaturisés). C'est un phénomène que j'ai déjà évoqué, cette nécessité où l'on se trouve d'être toujours dans l'analyse, ce qui engendre un inconfort et une fatigue non négligeables. Je n'ai pas, encore, la qualité d'échange d'un bien-entendant, mais j'en suis plus proche qu'avec mes amplificateurs. Et je suis sûre que cela va progresser.

Il est décidé à l'unanimité sans que vraiment quiconque ait manifesté ni enthousiasme, ni désapprobation, qu'un livre sur lequel les écoles de la circonscription travaillent fournirait l'histoire qui serait montée en théâtre d'ombres. C'est très facile et simple à mettre en œuvre a-t-il été asséné péremptoirement. Un drap et un projecteur, et hop là. Et puis, l'artiste de la maison (moi, bien sûr), va bien nous dessiner les personnages, faisant allusion à mes "talents". Tout cela dit sans me regarder, sans demander mon avis, sans s'inquiéter de mon adhésion au projet, à son sujet, à sa mise en œuvre. J'aurais d'ailleurs été bien en peine de connaître le sujet, personne ne m'ayant renseignée des titres sélectionnés pour le Prix Littéraire de la circonscription.

Dans ce genre de situation, c'est simple, je suis contente d'être sourde.
On pense souvent que les sourds sont un peu "idiots", limités, demeurés : ils ont toujours un temps de retard, et ils sourient souvent bêtement - et ça, je sais faire très bien quand je ne comprends pas et que je ne veux pas gêner mon interlocuteur par une répétition. Je me concentre sur la suite pour essayer d'en tirer la substantifique moelle, et involontairement, ma concentration et le sourire attentif qui va avec, me donnent l'air un peu idiot (dixit mon futur ex-conjoint).
Là, dans ce cas présent, j'avais parfaitement entendu et compris ce qui se jouait, mais comme tout se réglait sans me consulter alors que j'aurais dû être sollicitée, je me suis contentée de prendre cet air un peu "niais", et tout a été entériné sans que jamais on se soit soucié de mon adhésion directement.
Sauf que je ne pense pas qu'un théâtre d'ombre soit facile à monter : ce serait faire injure aux professionnels.


Chaque fois que j'ai assuré la réalisation d'un spectacle, personne n'a jamais soupçonné la somme de travail, ni la quantité d'informations à maîtriser et à mettre en place, simplement parce que ce genre de travail ne me pose pas de problème et que j'aime relever des défis. Et si l'année dernière, Le Petit Chaperon Rouge a pu être rejoué, c'est tout de même parce que tout était là, prêt à consommer, que le texte a pu être repiqué sur l'enregistrement qui en avait été fait 2 ou 3 ans auparavant et que décors et costumes étaient prêts à resservir.

Long aparté pour installer le climat dans lequel je baigne 2 jours par semaine depuis le 8 octobre.

D'autres petites choses sont venues conforter l'ambiance : entre autres, et c'est le plus dommageable, le refus non explicite d'organiser une réunion avec les parents d'élèves. Impossible d'obtenir une réponse claire. Je veux cette réunion qui me parait indispensable pour bien fonctionner : il faut que les parents auxquels on a présenté ma remplaçante comme la maîtresse (titulaire?) de la classe, me rencontrent, me connaissent. J'ai des choses à leur dire, qui sont importantes pour eux, pour leurs enfants, et pour moi. J'ai la charge de la "prunelle de leurs yeux" et même si ce n'est qu'à mi-temps, il est important qu'ils sachent à qui ils la confient. Il m'a été expliqué que, tu comprends, c'est difficile à organiser, maintenant les écoles sont le plus souvent fermées le samedi, et puis, on ne peut pas te laisser toute seule avec des parents dans l'école, il faut quelqu'un de responsable aussi etc... Il ne m'a pas été opposé un vrai refus, un "non" clair, net et précis, mais j'ai eu droit à un discours alambiqué, inconsistant et sans engagement qui me laisse dans l'inconfort d'une situation sur laquelle je n'ai aucune prise.

Et ce qui s'est passé aujourd'hui a continué d'éclairer le jeu qui est en train de se jouer : on voudrait me pousser dehors qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

Il fallait que je vienne à l'école, alors que nous étions mardi, et ce pour diverses raisons qui me semblaient importantes : livrer un long tube de carton encombrant la moitié de ma voiture depuis 3 jours et destiné à être découpé en rondelles pour l'édification d'une œuvre collective que j'ai proposé la semaine dernière et qui a reçu l'assentiment, voire l'enthousiasme, des collègues, arroser les bulbes et rencontrer "ma moitié" qui ne répond pas aux mails que je lui envoie. Travailler ensemble sans communiquer, ça me parait difficile, et comme internet existe, autant en profiter. En plus d'être le moyen de communication idéal pour les sourds,  cela permet de faire transiter des documents qui, de virtuels, se concrétisent sur une feuille de papier, elle, bien physique. Je ne dirai jamais assez les bienfaits de la technologie pour les handicapés de "tous poils".

J'ai donc choisi de venir à l'heure du repas, qui me ferait, normalement, éviter les élèves, et me permettrait de discuter avec ma collègue.

Je la retrouvais donc en train de déjeuner et lui expliquais que je lui avais envoyé un mail pour un besoin très précis, et que comme elle n'avait pas répondu, j'avais été obligée d'improviser une autre solution...ce qui n'était finalement pas très grave puisque j'avais résolu le problème, mais que c'était dommage que nous ne puissions communiquer de cette façon.
Je voulais que les élèves puissent identifier efficacement leurs casiers, afin d'y ranger leurs dessins, changes, trésors éventuels. Ces casiers ne portant que leurs prénoms, il est évident, qu'à 3 ans, ils étaient incapable de savoir à qui ils appartenaient. D'ailleurs, ils ne savaient même pas qu'ils avaient un casier.
Ma collègue avait collecté les photos d'identité de chacun et avait fait un montage-tirage destiné aux cahiers que je souhaitais récupérer pour faciliter l'identification des casiers. Finalement, en l'absence de réponse à mon mail, je tirais le portrait de chacun et le lendemain, chaque élève pouvait prendre possession de son petit casier personnel.
Au delà du côté pratique d'avoir un petit endroit à soi pour y laisser en attente le dessin destiné à sa maman, c'est une véritable appropriation du lieu classe qui s'inscrit là. Les élèves ne sont pas des invités : ils doivent se sentir chez eux, et chez soi, on sait où ranger ses affaires.
Ma collègue me dit qu'elle avait l'intention de le faire, je veux bien la croire, mais cela fait tout de même 2 mois que la rentrée a eu lieu, et elle ajoute que de toutes façons, ils (les élèves) n'en avaient pas besoin, et d'ailleurs, l'année dernière, on ne s'en était pas servi, et ils n'en avaient pas demandé. Passons sur les contradictions et les invraisemblances...
Je crois que je l'impressionne : je sais ce que je veux et je sais expliquer pourquoi je le veux. J'affectionne les discours clairs et directs qui ne s'embarrassent pas de circonvolutions inconstructives. Je suis sourde et je ne sais pas encombrer mon discours : je dis ce que je dois dire, avec toutes les précautions nécessaires, mais je le dis. Franchement. Sans détour. Et cela choque parfois, simplement parce que je ne suis pas dans la diplomatie de l'enrobage et de la manipulation.
J'ai lu dans un livre, que c'était une qualité particulière aux personnes malentendants. A moins que ce ne soit un défaut...
Chez moi, ce doit être exacerbé, tant je suis incapable de mensonge, tant je suis malade de clarté et de franchise. L'héritage d'un traumatisme d'enfance que je tente de "soigner". Parce que, comme chacun sait, tout vérité n'est pas toujours bonne à dire.

J'étais donc, finalement en train de terminer d'arroser les bulbes, et je venais de constater que déjà des hampes porteuses d'un renflement prometteur de fleurs avaient commencé à croitre entre les feuilles.
Ma jeune collègue venait de me proposer de voir ce qu'elle comptait faire jusqu'à Noël, et je lui conseillais, comme je ne comptais pas m'attarder plus longtemps, de me l'envoyer par mail. Là, je l'ai sentie rétive et elle finit par me dire qu'elle était désolée, mais que son travail était manuscrit. Je ne sais pas pourquoi ça lui semblait si important, ou plutôt si, je lui avais dit, lorsque j'avais terminé l'affichage et la mise en valeur de ses travaux de peinture, qu'il faudrait qu'elle s'efforce d'employer plutôt des lettres bâtons plutôt que les cursives, un graphisme d'écriture répondant aux souhaits émis par les collègues de grande section il y a quelques années, et qui correspondait mieux aux exigences des apprentissages en maternelle, en facilitant l'individuation de chaque lettre d'une part, et leur reproduction ensuite. Il ne s'agissait pas là d'une exigence capricieuse mais d'un conseil justifié (j'avais même pris la précaution de me faire confirmer la chose par une collègue de grande section avant de prendre la responsabilité d'en informer ma jeune collègue). Loin de moi l'idée de jouer les dictateurs, mais si l'on ne peut plus partager ce que l'expérience et la pratique ont appris, je me demande franchement pourquoi il est nécessaire de suivre des formations. Moi qui ait connu les portes bloquées par les tableaux entre 2 classes et les collègues qui vous reçoivent en entrebaillant seulement la porte de leur classe, j'aurais bien aimé pouvoir bénéficier de tels conseils que j'ai mis beaucoup de temps et d'énergie à récolter par ma pratique du terrain.
Ma collègue a fait un amalgame un peu rapide de ce que je lui ai indiqué. Si elle savait comme j'aime la fluidité et l'élégance d'une belle cursive! Bref, j'essayais de détendre le jeu en lui disant de scanner son travail, tout simplement, et que le fait que ce soit manuscrit n'enlevait rien à la qualité de son travail, et que c'était super qu'elle se charge des albums du fameux Prix Littéraire que je ne connaissais pas encore -toutes choses que je pense sincèrement.
Il me semblait que nous avions projeté de faire quelque chose ensemble, mais comme il est difficile d'établir, matériellement un contact, il faudrait que nous réfléchissions à une meilleure façon de fonctionner.

Je finissais d'arroser les bulbes, presque prête à partir, quand la collègue directrice choisit d'entrer en scène:  j'étais seule.

J'eus droit à un merveilleux discours qui faisait du sur-place et auquel  j'essayais, sans succès, d'impulser une direction, histoire de faire avancer les choses.
Tu comprends, il faut que tu saches, et puis, tu ne devais pas revenir, et la pauvre (ma moitié -un terme affectueux, qu'on ne s'y trompe pas, je ne vais pas dire "mon mi-temps" comme beaucoup), c'est elle qui a démarré la classe, et puis elle avait la classe l'année dernière, et puis, la pauvre, le reste du temps, elle fait des remplacements ailleurs, et toi, tu as tout ton temps pour préparer la classe, il faut que tu comprennes, c'est pas facile pour elle,  et puis elle a été inspectée et elle a eu un rapport d'inspection vraiment exceptionnel, il faut que tu comprennes, la pauvre, elle a quand même eu la classe l'année dernière, et elle a fait la rentrée, la pauvre, il faut que vous arriviez à travailler ensemble, il faut, yaka, yapluka, ifokon,
oui, d'accord, mais concrètement, qu'est-ce que tu as à dire?
Il faut que je fasse quoi? pardon, que nous fassions quoi? parce que dans l'histoire d'une relation à 2, on est quand même 2, n'est-ce pas? Encore faut-il que chacune des 2 parties accepte de jouer le jeu et de communiquer. J'envoie des mails, et je n'ai pas de réponse, je fais comment?
Et je suis rentrée dans le vif du sujet qui s'embourbait, en provoquant : je sais que je ne suis pas la bienvenue, que je dérange... et on m'a répondu oui! Comme j'aime les réponses concises! Au moins, les choses sont dites. Et pour la seule et unique fois, clairement énoncées.
J'ai continué en disant que je savais très bien qu'on s'attendait à ce que je ne m'en sorte pas, qu'on le souhaitait même. Mais que malheureusement, mon retour s'était bien passé.
Tant mieux a-t-on osé avec mauvaise foi, mais tu comprends, tu es la titulaire, il faut que tu comprennes, que la pauvre, elle......
Et alors? ça change quoi? Il faut que je me sente coupable d'être revenue sur le terrain? de parvenir à surmonter mon handicap? De me sentir à l'aise tout de suite et de ne pas avoir perdu de temps ni à retrouver mes marques, ni à séduire les enfants, ni à commencer un vrai travail?
Tu avais dit que tu reviendrais pas. Je crois que je n'ai pas fini d'entendre ce refrain, sauf qu'on a chanté ce qu'on a bien voulu entendre. Tout a toujours été suspendu à la décision du comité médical, même si je n'ai jamais caché mes recherches d'une reconversion possible. Je suis sourde peut-être, mais avant tout vivante et désirante. Et il était naturel et humain que j'envisage toutes les possibilités. Et c'est là, très précisément qu'on se trouve face à des vérités qu'il aurait valu mieux taire.

Au lieu de jouer la franchise, j'aurais mieux fait de ne rien dire, parce qu'on a entendu finalement, à travers mon discours, uniquement ce qu'on avait envie/besoin d'entendre : qu'il était possible que je ne revienne pas, que peut-être je ne reviendrais pas, que, in fine, je ne reviendrai pas.

Voilà une merveilleuse leçon de subtilité de la langue française à travers sa grammaire, par la seule magie d'un petit "s".
La négation de revenir passe par 2 "conditionnel" pour finir par un "futur simple" qui s'ancre dans l'affirmatif désiré. On est dans l'injonction. Un 11ème commandement!

Le glissement de reviendrais en reviendrai est éloquent, et terriblement pervers.

Ce qui est étonnant, c'est que c'est moi qui tend l'oreille, moi qui ait des difficultés d'écoute, moi qui suis implantée et officiellement handicapée, et pourtant, les sourds, les vrais, les handicapés de l'entendement et de la vie, sont en face de moi, qui s'arrangent des discours afin de soulager leur (mauvaise?) conscience.

Et c'est moi qui devrais me sentir coupable de revenir au monde des sons? moi qui devrait partir en catimini, dans la honte de ce que d'aucuns identifient comme des manques?

Vite, qu'on ôte de notre vue ces êtres incomplets, en manque, qu'on les parque, qu'on les isole, qu'on ne les voie plus. Qu'ils disparaissent, s'effacent, s'anéantissent. Qu'on n'en entende plus parler. Que rien ne nous en fasse souvenir.

Il n'en faudrait pas beaucoup qu'on n'entende quelque bruits de bottes.

Et qu'on ne s'imagine pas que j'exagère.
Est-ce que je lutte? que j'affronte? Je ne sais pas, je ne crois pas. Je ne recule pas. Je suis là. Debout. C'est tout. Mais j'en connais qui n'ont pas pu tenir, qui n'ont pas pu faire face, qui sont parties, ou pis, qui survivent sous antidépresseurs.

Je refuse d'entrer dans le jeu.
Je ne veux plus entendre ces discours stériles dont le seul but est de tenter de me culpabiliser.
J'ai dit que je ne voulais plus entendre ce type de discours stérile et manipulateur. J'ai enfilé mon manteau, j'ai tourné les talons et je suis partie, escortée par cette logorrhée aveugle et sourde.
Désolée, c'est trop tard : je connais le visage de la manipulation : je l'ai déjà rencontrée, et là, il est impossible de ne pas en voir les grosses ficelles.
Et la meilleure parade du manipulé face à l'agresseur, ce n'est pas la lutte, c'est l'abandon du terrain miné. Quand le manipulé refuse la confrontation, le manipulateur ne peut plus exercer son emprise.

Poil final! Pour citer le monstre poilu de PEF.

L'année dernière, la géographie de ma classe a été changée, le mobilier déplacé. Des jeux, mis au rebut, et je l'ai su plus tard, les installations de mon Petit Jardin qui fait actuellement les délices et l'admiration d'internautes à travers mon blog spécialisé, jetées sans autre forme de procès. OK, d'accord, il s'agissait de ma classe, et je n'y étais plus maître à bord, et je comprenais parfaitement que l'on ait besoin de se sentir chez soi. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on n'y était pas allé de main morte. 
Qu'on m'accorde les mêmes besoins : je reviens chez moi et j'ai le droit de reconstruire un environnement que j'ai mis plus de 10 ans à installer en fonction des besoins et des nécessités humaines et pédagogiques. Il n'est rien dans ma classe qui ne soit justifié.
Et maintenant que l'on me harcèle, je revendique même le droit d'être en colère quand je retrouve un jeu couvé pendant des années et auquel il manque, définitivement, une pièce, quand je retrouve, par hasard, la boite de toupies enfouie au fond d'un placard, quand je cherche, en vain, les petites bêtes en plastique dont la perte finira par se faire sentir lorsque nous partirons en expédition à la recherche d'araignées et de gendarmes, quand je retrouve la ferme et ses animaux, les maisons miniatures et leur mobilier empoussiérés et oubliés dans des bacs inaccessibles.

JE suis LA TITULAIRE de la classe. J'ai un PROFOND RESPECT pour les êtres humains en général et en particulier, moi y compris. J'ESTIME la personne avec laquelle je partage le temps scolaire, mais il n'y a aucune raison pour que je culpabilise d'avoir retrouvé mon poste et qu'elle ait retrouvé le sien.
La règle du jeu était fixée dès le départ, et au lieu de voir seulement le fait que mon retour l'ait privée d'un remplacement reconduit, inespéré et confortable dans une classe particulièrement bien équipée, il serait mieux de considérer ce temps passé comme une expérience rare et enrichissante.
J'ai été longtemps remplaçante, et mon plus long remplacement a été d'une demie-année que j'ai vraiment appréciée et dont je garde de merveilleux souvenirs, sans avoir éprouvé le besoin, par ailleurs, de bouleverser l'organisation de la classe à ce point : ma collègue est "partie", mais jamais je n'ai pu lui donner le sentiment qu'elle n'était plus chez elle, dans sa classe. Pour le reste, je me suis promenée d'un bout à l'autre du département pour des périodes allant d'une demie-journée à 3 ou 4 semaines. Les enseignantes, en revenant de congé, se sont-elles senties coupable de me priver de leur poste? J'espère bien que non!

Jeudi, je participe à une journée de travail sur un sujet fort intéressant : les personnels handicapés.
J'avais déjà eu à faire face à des problèmes de harcèlement que j'avais eu du mal à identifier comme tels, toute confite que j'étais dans la culpabilité du "handicapé de base". Il avait fallu la clairvoyance et l'empathie d'un médecin de prévention consulté en urgence pour regonfler mon égo en faisant un tri salutaire entre vécu et ressentis. J'ai réussi à sortir de ce piège après beaucoup de souffrances.
C'est fini, aujourd'hui.
La culpabilité n'est plus pour moi.
Je sais détecter les situations de manipulation. Pas encore très à l'aise pour les affronter, mais j'ai là un terrain tout à fait propre à faire mes armes.

Une question me taraude : pourquoi l'intéressée ne m'adresse-t-elle pas ses doléances directement?
A-t-elle vraiment, même, des doléances? Ne lui fait-on pas tout simplement jouer un rôle?

Quel portrait de monstre a-t-on fait de moi?


Finalement, ça pourrait presque être drôle, si ce n'était tristement affligeant.

samedi 31 octobre 2009

octobre, le retour!

Je suis en plein chambardement. J'ai une nouvelle oreille, je suis en plein divorce, j'ai des projets de reconversion et je viens de reprendre mon poste de maîcresse d'école à mi-temps. Qui a dit que la vie est un long fleuve tranquille?
Me voilà revenue en classe. Déjà 4 jours de pratique en 2 semaines. Que du bonheur... et beaucoup de bruits!
Évidemment, j'étais un peu inquiète, mais tout s'est fait si vite que j'ai à peine eu le temps de m'angoisser. Mon dossier, égaré, perdu, retrouvé, est enfin passé en commission médicale le 22 septembre. Le 1er octobre je recevais une lettre datée du 25 septembre m'enjoignant de reprendre mon poste à mi-temps, le 5! Pas le temps de se poser de questions : en début d'après-midi, direction l'inspection. Là, surprise, la secrétaire avait reçu la même lettre que moi, mais n'avait pas repéré le court délais de mon retour en classe. Légère panique, quelques réflexions à propos des administratifs qui prennent des décisions au mépris des organisations du terrain, en passant par quelques doutes sur mes capacités à reprendre mon poste. On me montre la porte : direction l'école!
Là, je suis carrément très fraîchement reçue, et pour tout dire pas du tout la bienvenue. Et c'est à moi de devoir me mettre à la place de cette équipe qui tourne et que mon grain de sable va perturber. Là encore on émet des doutes sur mes capacités à reprendre mon poste, puisque, évidemment, on a statué sur dossier sans me convoquer. Sous-entendu que même un sourd entend parfaitement : on se rend bien compte que j'ai des difficultés de compréhension de la parole.
Et puis surtout, il va falloir prévenir les parents : un vrai drame! Il va surtout falloir me présenter comme l'enseignante titulaire. Et ma pauvre remplaçante, que va-t-elle devenir...
Sur la porte de la classe, mon nom n'est pas mentionné : juste celui de ma collègue remplaçante, comme si elle était titulaire, comme si je n'existais pas... pour rassurer les parents?
Le rejet a été si violent qu'en quittant l'école, je me demandais vraiment si je reviendrais prendre mon poste le jeudi suivant. Pas envie de me battre alors que l'on m'avait déjà enterrée. Pas envie de supporter des regards inamicaux prêts à me prendre en flagrant délit de surdité. J'ai assez d'énergie à dépenser ailleurs pour ne pas charger encore la note.
Alors, le lundi, je suis allée, une fois de plus, à la pêche aux renseignements à l'Inspection Académique : qu'allait-il advenir de moi si je ne reprenais pas mon poste?
J'ai, finalement, toujours trouvé sur mon chemin semé des embûches diverses de la vie, pour peu que je les ai cherchées, des mains secourables et une écoute attentive.
Cette fois-ci, c'est mon médecin de prévention qui a su regonfler mon égo mis à mal. Tant pis pour les esprits mal pensants. Il était important pour moi, pour aussi la pérennité de mon audition, que je retourne en classe. Quant aux doutes exprimés concernant les compétences du comité médical et les miennes, à balayer, à jeter aux oubliettes sans autre forme de procès. Quand je suis dans ma classe, je ferme la porte et je suis vraiment la "maîtresse chez moi".

retour d'angoisse

Rien depuis le 1er août, je me fais rare...j'affronte d'autres soucis.
Entendre, c'est aussi ouvrir les yeux en même temps que les oreilles. Et j'ai vu que depuis 20 ans, petit à petit, l'emprise de mon conjoint se faisait de plus en plus étouffante, porteuse de mort affective, destructrice d'estime de soi.
Me voilà embringuée dans un divorce difficile, handicapée maltraitée, femme bafouée, mère méprisée.
C'est si facile la manipulation psychologique quand on s'attaque à un(e) handicapée.
Je ne me suis pas aperçue que pour m'appeler "on" me disait "hé" ou "on" me sifflait. Moi, j'entends un son, je réagis, sans connaitre la nature du son, en toute confiance, en toute naïveté. Et je suis si prévisible, toute mue par des principes que je me fais un honneur d'honorer. Je suis si persuadée que tout le monde œuvre dans l'intérêt de tous et de chacun. Je découvre les méchants, les envieux, les orgueilleux, les manipulateurs, les voleurs d'énergie, les imposteurs.
Et par dessus le marché, comme si cette prise de conscience et ces soucis n'étaient pas suffisants, me voilà de nouveau confrontée au salmigondis de mes collègues, à leurs jalousies, à leurs limites.
La décision du comité médical est enfin tombée : mi-temps thérapeutique accordé. Une victoire, une ouverture sur mon retour feutré en classe.
Seulement, cette décision ne fait pas l'unanimité. Je ne suis pas la bienvenue et on ne s'est pas privé de me le dire. On m'avait déjà rayée des listes. Pire, on n'avait même pas prévenu les parents de mon existence. Et tout le problème de mon retour s'est concentré sur la grande question : comment l'annoncer aux parents? Pourtant, je n'avais jamais caché que j'étais susceptible de revenir, que le comité médical était maitre à bord, et que si, de mon côté, j'œuvrais pour une reconversion, il s'agissait de démarches longues, difficiles, aléatoires.
Si on s'est inquiété de ma capacité à revenir  en classe, c'est pour déplorer la disparition possible de ma remplaçante, si bien, et à laquelle les enfants et leurs parents étaient habitués, et qu'on ne pourra pas récupérer si il s'avère que je ne tiens pas le coup, parce que, évidemment, je ne tiendrai pas le coup, simplement parce qu'elle aura été affectée sur un autre poste.
Pas un mot sur moi, personne humaine, mais des ressentiments exprimés vis à vis de l'administration qui ne sait pas ce qui se passe sur le terrain, qui s'en fiche même. D'ailleurs, le comité médical....il a pris sa décision comment? On t'a vue? Non, évidemment, on a décidé sur dossier, pourtant...
Pas difficile d'imaginer une suite à ce "pourtant", c'est même pensé si fort que la sourde que je suis toujours, même implantée, l'a entendue. Pourtant, on se rend bien compte, quand on t'a devant soi, que tu n'entends pas grand chose.
Quand j'en ai eu (enfin) assez de ce discours à sens unique qui faisait fi de ma personne et de mes sentiments, j'ai dit calmement, qu'il était temps de raisonner en adulte, que rien ne justifiait que l'on s'adresse à moi de cette manière, que je n'étais ni un enfant, ni une débile mentale (pardon, les enfants, pardon les débiles : c'est toute une façon de penser qu'il faudrait réformer), qu'il était temps de convenir des modalités de mon retour. Que ma remplaçante retrouve son poste inconfortable, certainement mais aussi formateur, de remplaçante itinérante, n'était pas mon problème. Au lieu de déplorer le verre à moitié vide, pourquoi ne pas regarder le verre à moitié plein... Elle aura pu gérer ma classe, depuis plus d'un an, dans des conditions optimum. On n'exerce pas pendant plus de 10 ans au même endroit, et en fin de carrière, sans créer les conditions de travail les mieux adaptées possibles. J'ai consacré mon dernier jour de travail à installer des paniers métalliques en haut du panneau de peinture afin d'y mettre les flacons de gouaches et ainsi, de dégager le sol de bacs encombrants. Et j'ai continué, chez moi, à coudre les coussins et les housses matelassées que je destinais au coin bibliothèque, et que je suis revenue installer un mercredi, en catimini, afin de ne pas la déranger.
J'ai un souvenir trop désagréable de mes premières années d'exercice, quand, remplaçante, je voyais, parfois, débarquer inopinément, l'enseignant titulaire qui se comportait alors dans sa classe comme si j'étais un accessoire importun qu'il convenait de remettre à sa place.
Alors, je me suis faite la plus discrète possible, tout en livrant les modes d'emploi que je croyais nécessaires mais qui ne répondait, en fait, qu'à mes nécessités. Ensuite, ma remplaçante a vécu sa vie d'enseignante comme elle a voulu, changeant la géographie de l'espace, le mobilier même, décrochant des panneaux ou les modifiant. Elle s'est, comme on dit, approprié l'outil de travail tout en promettant de tout remettre en place quand je reviendrai. Et c'est bien ce qu'il convenait qu'elle fît. Sa situation était précaire, toute subordonnée à la mienne, et elle devait redouter, ayant appris à aimer ce qu'elle avait créé et mis en place, de devoir tout abandonner pour retrouver les nominations au gré des congés de maladie. Mais, comme on dit, cela fait partie de la règle du jeu, et je pense qu'elle en avait pris toute la mesure : la relation d'estime réciproque qui se construit aujourd'hui entre nous, maintenant que je suis revenue 2 jours par semaine, et qu'elle assume les 2 autres jours, est là pour en témoigner.
Pendant plus d'un an, j'ai cependant vécu, in vivo, ma disparition, mon effacement.
On a beau savoir que nul n'est irremplaçable, c'est douloureux, d'autant plus qu'il ne s'agissait pas d'un départ volontaire, ni même d'un vrai départ, juste une parenthèse ouverte et d'autant plus inconfortable que je ne savais pas quand ni comment elle se refermerait.